LA PRINCESSE DU KATANGA

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La princesse du Katanga
Nouvelle fantastique

LA PRINCESSE DU KATANGA

Secret Dark Movies ™

 

! AVERTISSEMENT: Cette histoire est épouvantable, horrible, et comporte des passages cruels et gores.

Âmes sensibles, abstenez-vous… !

Vous êtes prévenus…

 

Beaucoup de jeunes voudraient devenir des stars, la plupart d’entre eux essaient, puis renoncent en constatant qu’ils n’ont pas le talent nécessaire ou n’ont pas le physique approprié ; d’autres s’entêtent et sont prêts à tout pour y arriver ; quitte à sortir des sentiers battus de la plus élémentaire sagesse et loin de toute prudence…

 

 

Quand à ses dix-huit printemps, Beverly a quitté le domicile de ses parents dans le Maine, sans diplôme ni qualification particulière, elle est montée dans un car en direction de New York, avec comme seul bagage, son sac à dos et ses économies.

 

La vie qui s’offrait à elle ne lui convenait pas, certaine de mériter mieux que ça, et elle était persuadée qu’elle percerait dans show business, que ses talents seraient rapidement reconnus et qu’elle ferait une carrière fulgurante.

Beverly, Bev pour tout le monde, il n’avait pas vraiment la taille mannequin et était plutôt petite et boulotte ; et, sans être laide, elle n’était pas d’une grande beauté.

 

Paul et Mary, ses parents avaient tenté de la raisonner, en vain. Inquiets pour l’avenir de leur fille qui prenait ses désirs pour la réalité. Depuis quelques temps, il ne se passait pas un jour sans que des conflits éclatent au sein de la cellule familiale au sujet de Bev, et ils commençaient à se demander si elle n’aurait pas besoin d’une aide psychologique.

 

Mais, dès ses dix-huit printemps atteints, Bev avait secrètement rassemblé toutes ses affaires dans son sac à dos et retiré l’argent de son compte. Elle était partie discrètement en pleine nuit et avait pris la route du Sud pour la mégapole et se rapprocher de Broadway.

 

Bev a eu la chance de rencontrer Elizabeth dans un fastfood, à son arrivée à New York ; une grande blonde élancée. Elles ont sympathisé, elle lui a raconté sa vie, ses espoirs, et sa nouvelle amie, émue par sa détresse lui a proposé de l’aider en l’hébergeant dans son petit appartement contre une participation aux frais et au loyer. Elisabeth étudiait en Art dramatique et connaissait pas mal de monde dans le milieu du showbiz: elle pourrait aussi lui dégoter un petit boulot qui lui permettrait de se tenir à flot.

 

Bev a rapidement commencé à travailler dans un restaurant Latino: à faire la plonge, puis à aider dans la confection des tacos. Tous les jours, elle épluchait les journaux et le Net, à la recherche de castings. Elizabeth, Babeth pour Bev, tentait de partager ses connaissances pour lui inculquer les bases de la comédie ; mais très vite, sa colocataire lui a fait comprendre que ses cours la soulaient et qu’elle avait déjà suffisamment de talent en elle pour s’en passer.

 

Les jours, les semaines et les mois ont passé et, Bev n’a jamais obtenu quoi que ce soit malgré ses nombreuses tentatives pour décrocher un rôle. À chaque fois, c’était la même réponse polie: « Merci mademoiselle, on vous rappellera. » Mais personne ne rappelait jamais.

 

Elle se levait tôt, aux aurores pour aller faire des tacos. Elle avait le cheveu gras et sentait la friture. Elle terminait à quatorze heures, rentrait, se douchait, et se vautrait dans le canapé moelleux pour surveiller les petites annonces tout en s’empiffrant de sucreries et de beignets.

 

Babeth, elle aussi se rendait à certains castings et obtenait quelques résultats ; dans le domaine de la publicité par exemple. Ce qui rendait Bev complètement folle ! Au début, elle était heureuse pour Babeth et elle la félicitait, espérant que son tour viendrait prochainement. Mais rien ne venait. Aussi, depuis quelques temps, elle commençait à ressentir de la jalousie et puis, dernièrement… de la haine à son encontre.

Il faut savoir que Babeth arborait une silhouette longiligne, avec son mètre soixante-quinze, et de longs cheveux blonds fins et soyeux encadrant l’ovale de son joli visage.

 

Autant Babeth surveillait sa ligne en faisait très attention à son alimentation et en se rendant trois fois par semaine à la salle de gym, que Bev prenait du poids et passait beaucoup de temps devant la petite télévision et son ordinateur…

 

Bev passait son temps à maugréer, à pester après tous ces incapables qui avaient « de la merde dans les yeux » et qui n’avaient aucun sens artistique pour lui refuser l’accès aux rôles qu’elle espérait.

 

Babeth était navrée pour elle et tentait comme elle le pouvait de la consoler et de lui redonner du courage, de l’espoir. Si ces tentatives donnaient des résultats au début de leur cohabitation, avec une Bev qui fondait en larmes dans ses bras, depuis peu, cela entraînait des colères et des sarcasmes chez son amie.

 

Babeth a cessé de partager ses réussites et commence à avoir du mal à supporter l’humeur de Bev. Surtout depuis que cette dernière ne cesse de critiquer les filles qui sont plus grandes qu’elle et plus minces surtout ! « Regarde-moi ces salopes ! C’est uniquement grâce à leur cul qu’elles décrochent des rôles ! Non mais Babeth, mate-moi ces tronches de connasses ! Rien dans le citron, tout dans l’apparence… Pouffiasses ! »

 

Et puis, Babeth a eu une idée lorsqu’une nouvelle opportunité s’est présentée. Elle a proposé à Bev de l’accompagner à une audition pour un rôle dans un film ; un long métrage. Quelque chose de secret, réservé aux seuls initiés et qui n’apparaîtrait pas dans les journaux, ni sur le Net ; que du bouche à oreilles. Le casting était prévu pour le lendemain. Une seule séance.

– Vraiment ? Tu crois que c’est sérieux ?

– Evidemment ! Sinon, je ne t’en parlerais pas. Et puis, ça paie bien, d’après ce qu’on m’a dit. Un long métrage ! Tu te rends compte ? Un véritable tremplin pour une carrière ! Allez Bev ! Tu auras ta chance ! On sera peut-être prises toutes les deux, qui sait ? Il faut y croire ! Tiens, regarde, j’ai obtenu deux cartons d’invitation. Un type qui m’a accosté à la sortie des cours. Il y a l’adresse derrière.

– SDM ? C’est quoi ?

– Secret Dark Movies ! D’après le gars, il s’agit d’une nouvelle compagnie qui vient d’être créée et qui monte en flèche ! Oh mon Dieu ! Je suis toute excitée ! »

 

Après avoir retourné son carton dans tous les sens, Bev est restée interdite un bon moment, toujours allongée dans le canapé, une part de pizza dans la main. Elle réfléchissait: « Est-ce le destin qui se réveille enfin ? Est-ce pour moi, cette fois ? Va-t-on enfin reconnaître mon talent, ma valeur ? » Et elle s’est levée d’un bond, a couru en trombe jusqu’aux toilettes pour vomir.

 

Bev n’en a pas dormi de la nuit. Elle a passé toutes ces heures les yeux ouverts dans le noir, à imaginer comment se déroulerait la séance du lendemain.

Vers quatre heures du matin, elle s’est discrètement levée et elle est allée s’enfermer dans la salle de bains. Elle s’est déshabillée et elle a contemplé son corps nu dans le grand miroir. Elle s’est trouvée grotesque avec son bourrelet abdominal, ses fesses qu’elle jugeait trop grosses et son buisson hirsute qu’elle a qualifié de ridicule et laid, et elle s’est dit qu’elle ne supporterait pas la comparaison avec Babeth:  » Sûr que ces salopards vont tout miser sur le physique ! Face à Babeth, je n’aurai aucune chance… » Son regard s’est assombri. « A moins que… »

Elle a repris confiance, s’est souri à elle-même, face au miroir: un sourire mauvais. Ensuite, elle a sorti d’un tiroir des rasoirs mécaniques et du savon pour se raser le pubis…

 

Le lendemain matin, Babeth chantait dans la salle de bains. Quand elle a ouvert la porte de la cabine de la douche, la pièce s’est remplie de vapeur et elle a dû passer sa main sur le miroir pour s’apercevoir. Elle a noué une serviette éponge sur sa tête et en a pris une plus grande pour envelopper son corps. Elle était d’humeur joyeuse et pressentait que le casting serait le bon… Elle s’est passé de la crème hydratante sur les jambes et s’est séché les cheveux.

 

Toute radieuse, en sortant de la salle de bains, Babeth s’est retrouvée nez à nez avec une Bev, bien droite, sérieuse et qui se tenait les mains dans le dos.

– A ton tour ma belle, la salle de bains est à toi ! »

 

Le sourire que lui a offert Bev en guise de réponse l’a un peu inquiétée. Elle n’avait jamais encore vu cette expression sur le visage de son amie. Et quand Bev a sorti la poêle à frire de derrière son dos pour la brandir au-dessus de sa tête avant de lui en asséner un grand coup, Babeth à juste cligné des yeux avant de tomber inconsciente au sol. La serviette s’est dénouée et Babeth gisait nue sur le linoléum, les jambes écartées.

A la vue de ce corps si bien proportionné, de ces longues jambes fuselées, ce ventre plat, et ces jolis petits seins bien ronds et fermes, Bev n’a pu réprimer une grimace de dégoût. Ensuite, elle est allée récupérer une rallonge électrique et elle a lié les poignets et les chevilles de Babeth dans le dos de la malheureuse inconsciente. Elle l’a traînée jusqu’à son lit pour enfin la bâillonner à l’aide d’un torchon propre.

Elle a reculé jusqu’au seuil de la chambre, a contemplé son œuvre et déclaré: « Désolée pour toi Babeth, mais tu as raison, aujourd’hui, c’est mon tour ! »

 

 

C’est le cœur battant la chamade que Bev a dégringolé les escaliers, ne pouvant se résoudre à attendre l’ascenseur. D’un pas très rapide, elle a marché jusqu’à la bouche de métro la plus proche et s’est engouffrée dans la rame quand elle est arrivée. Elle tenait fermement la barre d’acier verticale et ne voyait personne, malgré l’affluence à cette heure de la journée. Elle ne pensait qu’au casting. Les deux cartons d’invitation bien à l’abri, chacun dans une poche arrière de son jean. Machinalement, elle passait de temps en temps la main sur ses fesses pour vérifier leur présence. Le métro fonçait dans le noir et, quand il est sorti du tunnel et qu’il a commencé à rouler sur un pont, la lumière du jour l’a sortie de sa torpeur. A sa station, elle est sortie de la rame comme une fusée et a descendu les escaliers à toute vitesse.

 

Arrivée au bas de l’immeuble, à l’adresse mentionnée sur les cartons, Bev a constaté qu’elle avait un quart d’heure d’avance. Elle ne savait si c’était une bonne chose ou non. Elle a décidé qu’il fallait qu’elle soit gonflée à bloc pour réussir: « Bordel ! C’est aujourd’hui ou jamais ! » Elle a appuyé sur le bouton de l’interphone correspondant à l’étage indiqué. Il y a eu un crachotement, puis une voix masculine s’est fait entendre :  » Oui ? Que voulez-vous ?

– Je viens pour le casting…

– Votre nom ?

– Beverly.

– Ok. Et Elizabeth ? Où est-elle ?

– Euh… Elle n’a pas pu venir… Elle est souffrante !

– Bon… Montez. »

Un claquement sec et la porte s’est entrouverte.

 

Bev a pris une grande inspiration avant de disparaître dans l’immeuble. Elle transpirait et tremblait un peu. Et, devant la porte où était apposée une carte indiquant « Secret Dark Movies », elle a fermé les yeux un instant avant de frapper à la porte.

 

C’est un grand type barbu, vêtu d’un jean délavé  et troué qui lui a ouvert, il portait une chemise hawaïenne et ses doigts portaient tous une bague en argent: des têtes de mort et des têtes de tigre. Il l’a guidée jusqu’à un salon de l’appartement standing. Il n’y avait personne d’autre. Il l’a invitée à s’assoir sur le grand canapé en cuir noir et lui a demandé d’attendre.

 

Bev se mordillait nerveusement l’intérieur des joues et commençait à se demander si elle n’était pas devenue folle pour avoir frappé son amie. « Pauvre Babeth ! Elle ne méritait pas ça, elle qui l’avait secourue et soutenue. Mais la vie est une jungle, non ? On verra bien après… Elle comprendra… »

Elle en était là de ses réflexions quand une porte s’est ouverte et qu’un grand type noir athlétique, en costume de grande confection est apparu: « Beverly ? Bonjour. Veuillez entrer s’il vous plait. »

La pièce contenait un grand bureau avec un plateau en verre épais et des piètements chromés. Dessus, étaient posés un PC portable et une petite caméra sur trépied.

– Bien, Beverly, pourquoi êtes-vous ici?

– Bev…

– Pardon ?

– Bev, mes amis m’appellent Bev.

– Très bien Bév. Moi, c’es Tobias. Pourquoi êtes-vous ici ?

– Je suis là car je sais que j’ai du talent. Je cherche l’occasion de le démontrer, de l’exprimer.

– Et qu’est-ce qui vous fait croire que vous avez du talent ? Vous avez déjà joué quelque part ? Du théâtre, de la pub peut-être ?

– Non. Mais je sais que je suis faite pour être une star !

– Très bien… Avez-vous de la famille ?

– … Non… Mes parents sont morts dans un accident de la route. J’ai mes grands-parents, mais ça fait des années que je n’ai pas eu de leurs nouvelles.

– OK… Tenez, prenez cette feuille; vous allez me lire cette phrase. D’abord normalement, puis en colère et pour finir en riant. Je vous filme. Attendez un peu… Vous pouvez rester assise ou vous lever ; vous le faites comme vous le sentez. »

 

Tobias enlève la caméra de son trépied, écarte le petit écran et commence à filmer Bev. Elle tremble un peu en tenant la feuille sur laquelle est écrit:  » Je sens que la vie va me sourire à nouveau ». Elle se lève et s’exécute…

– Pas mal, Bev. Pas mal du tout. Maintenant, que dit Jack Nicholson à sa femme quand il défonce la porte dans le film Shining ?

– Euh… Ah oui ! Je ne vais pas te faire de mal, je vais juste te défoncer la gueule !

– Bien… Dans Apocalypse now, quelle est la phrase célèbre du chef de détachement héliporté ?

– J’aime l’odeur du napalm au petit matin…

– Très bien ! Ta candidature m’intéresse… Il faudrait que tu te déshabilles.

– Vraiment ? Pourquoi ?

– Absolument. Et entièrement. Je ne veux pas de cicatrice trop apparente, pas de tache de naissance volumineuse ni de tatouage exubérant. Pour ce rôle particulier, c’est rédhibitoire. Donc, si vous voulez toujours votre place dans ce film… »

Bev est devenue toute rouge. Elle ne s’était jamais déshabillée entièrement devant personne. Même quand elle flirtait avec son petit ami Tommy, elle n’avait jamais cédé à ses assiduités et lui avait donné une gifle magistrale alors qu’un soir, dans sa voiture, il s’était enhardi et qu’il se hasardait sous sa jupe et tentait d’insérer ses doigts sous l’étoffe de sa petite culotte pour atteindre son sexe.

Mais là, il s’agissait d’un cas de force majeure. Elle le savait bien et soit elle obtempérait et poursuivait son rêve, ou elle refusait et pouvait rentrer retourner voir Babeth et lui expliquer qu’elle l’avait assommée pour des nèfles… Non ! Pas question !

 

Elle s’est donc dévêtue, s’est libérée de son soutien-gorge et au moment de baisser sa petite culotte en coton rose, elle s’est souvenue qu’elle avait rasé son sexe. Elle s’est arrêtée tout net, gênée, et honteuse à la fois. Elle a fermé les yeux,  glissé les doigts sous l’élastique et fait glisser sa culotte le long de ses cuisses jusqu’aux genoux jusqu’à ce qu’elle tombe sur ses chevilles.

Tobias s’est lors levé, s’est approché d’elle, en a fait le tour puis il est retourné s’assoir. « Rhabillez-vous Bev. Merci. »

Confuse, Bev s’est revêtue à la hâte, cramoisie, et elle est retournée sur sa chaise.

– Bien, Avez-vous des allergies ?

– Non.

– Une maladie en cours ? Un traitement à suivre ?

– Non. Rien.

– Etes-vous en règle avec l’administration ?

– Oui.

– A jour de vos vaccinations ?

– Oui.

– Etes-vous sujette au vertige ?

– Non. Pourquoi toutes ces questions ?

– Parce que le tournage se fera en Afrique et qu’il y aura des scènes en hauteur.

– Oh ! En Afrique ?

– Cela vous pose problème ?

– Non… Aucun.

– Eh bien, félicitations Bev, je vous engage.

– Oh ! Mon Dieu, merci !

– L’équipe part ce soir à vingt-deux heures. Vous allez me remplir ce contrat d’embauche pour le tournage du film. J’enverrai vers dix-huit heures une limousine vous chercher à votre domicile. Soyez prête. » Tobias puise dans une sacoche en cuir marron une liasse de billets et la lui tend: « Voici une avance de mille dollars, pour vos faux frais avant le départ. N’achetez pas trop de vêtements, nous vous fournirons tout sur place, princesse. »

 

Bev n’arrivait pas à détacher ses yeux de la liasse de billets. Elle n’en avait jamais vu autant. Fallait-il qu’elle se pince pour vérifier qu’elle ne rêvait pas ? Puis, elle a repris pied:  » Mais ??? C’est quoi comme film ? C’est quoi le rôle ?

– Vous ne le savez pas ? Un film d’aventures qui s’intitule « la princesse du Katanga ». Et vous venez de décrocher le rôle principal ; celui de la princesse. »

 

Bev en est restée bouche bée. Son rêve devenait enfin réalité. Sur le contrat, on lui accordait huit cent mille dollars pour le tournage. Elle a ressenti un vertige en lisant le montant indiqué. Elle a cligné des yeux et a fini par demander: « Et le script ? Quand pourrai-je le lire ?

– Il vous sera remis dans l’avion… Munissez-vous de votre passeport et d’un relevé d’identité bancaire afin que la régie puisse vous verser vos salaires par virement. Signez le contrat ici… Merci. Vous en aurez une copie. Je suis enchanté de vous avoir découvert Bev. Prenez vos mille dollars et rentrez vite chez vous faire vos bagages. Je vous dis à tout à l’heure.

 

Dans la rue, Bev marchait sur un petit nuage. Elle avait un rôle dans un long métrage, le rôle principal ! Il fallait raconter ça à Babeth ! « Merde ! Babeth ! »

Elle est rentrée à l’appartement aussi vite qu’elle a pu ; elle ne marchait pas, elle courait, portée par la joie et la crainte des réactions de sa colocataire.

 

Quand elle a ouvert la porte, elle s’attendait à des gémissements étouffés, à voir Babeth se tortillant dans le couloir pour essayer de sortir. Mais non. Aucun bruit, et Babeth n’avait pas dû descendre de son lit. Lentement, elle s’est dirigée vers la chambre. Babeth était toujours allongée sur le côté, bâillonnée et attachée comme elle l’avait laissée. Il faisait sombre car le soleil était passé derrière les immeubles d’en face. Bev a allumé le plafonnier et s’est avancée près de Babeth. Elle a poussé un cri en découvrant le visage de son amie: Il était devenu tout noir ! Babeth ne respirait plus.

Elle avait frappé trop fort ou bien le bâillon avait été trop serré. Quoi qu’il en soit, elle avait tué son amie. Quoi faire ? « Appeler les secours ? La police ? Et puis ? La prison ! Oh mon Dieu ! S’est-elle écrié dans son for intérieur. Non ! Pas question ! C’est mon jour, et je ne raterai pas cette chance qui ne se représentera probablement jamais… »

Bev s’est assise par terre et a enfoui sa tête dans ses mains. Elle a longuement réfléchi et trouvé une idée. « Elle aura fait une mauvaise chute dans la douche. C’est ça ! Je vais la placer dedans et lui cogner la tête sur le rebord du bac. Un bon coup pour qu’il y ait des cheveux et du sang. Je vais fermer la bonde du lavabo et laisser l’eau couler à fond pour que les voisins du dessous s’alarment. Personne ne connaît mon nom dans l’immeuble; même le patron du tacos ne sait pas comment je m’appelle. Il me paie de la main à la main. Il me suffit de ramasser mes affaires et de récupérer toutes les photos sur lesquelles je figure. Et dans son téléphone aussi. Je suis vraiment désolée Babeth… »

Quand elle a fracassé le crâne de son amie sur le rebord du bac de douche, Bev n’a pas aimé le bruit que ça a fait et des larmes sont venues couler le long de ses joues: « pardonne-moi Babeth, pardonne-moi… Je n’ai jamais voulu ça. »

 

Elle est restée un moment à contempler le corps inanimé, étalé dans la douche, la tête reposant en dehors du bac. Ça lui paraissait crédible. Elle a alors rouvert le robinet du pommeau et mouillé les cheveux qui étaient secs pour qu’ils se retrouvent dans une position logique. Et elle a fermé la bonde du lavabo et laissé l’eau couler, en grand.

Bev a ensuite ramassé ses affaires et récupéré toutes les photos d’elle, ainsi que celles qui se trouvaient dans le portable de la défunte et, alors qu’elle allait reposer le téléphone sur la table, elle s’est souvenue que les photos supprimées ne l’étaient pas vraiment, qu’il fallait vider le répertoire « Eléments supprimés récemment ». Heureusement qu’elle y avait pensé ! Sinon…

Elle a fini par passer un chiffon sur toutes les surfaces pour effacer ses empreintes et a récuré la poêle à frire.

 

A dix-huit heures, la limousine attendait en bas. Bev a quitté l’immeuble en toute discrétion. Le chauffeur en livrée lui a ouvert la portière et elle a disparu de la vue de tous, derrière les vitres teintées.

 

 

 

A l’aéroport, Tobias l’attendait au milieu de toute une troupe de types et de femmes qui braillaient, se tapaient dans le dos et riaient bien fort: Bev, ça va ? Vous avez l’air soucieux, je trouve.

– Ce n’est rien. Juste un peu d’appréhension.

– OK. On part dès que le Jet est prêt. On fait le plein.

– Un Jet ?

– Mon Jet, pour être précis. »

 

Le voyage s’est bien déroulé et Tobias a remis à Bev une copie de son contrat ainsi que le script. Bev s’est étonnée de ne pas recevoir quelque chose de plus épais, mais n’a rien dit.

 

Quand ils ont atterri en Afrique, à Lubumbashi, des véhicules tout terrain les ont pris en charge pour les déposer plus tard à Kiubo, près des chutes, à l’hôtel Kiubo falls Lodge : un charmant établissement composé de bungalows en bois et réquisitionné par l’équipe du tournage.

 

Bev était sur un petit nuage. Tout le monde la traitait avec beaucoup de gentillesses et de considération. Ce qu’elle attendait depuis si longtemps.

En entrant dans son bungalow, elle a eu la surprise de découvrir de grandes gerbes de fleurs et des corbeilles de fruits exotiques posées sur la table de salon. Une carte était posée sur le bouquet et elle pouvait y lire : « Pour la princesse du Katanga ».

 

Bev s’est vite prise au jeu. Tout le monde la nommait « princesse » et cela lui plaisait bien. Au début, lors des premières prises dans un pseudo village africain, construit pour l’occasion, elle était un peu hésitante, mais le Paco, le metteur en scène, la couvrait de compliments ; alors, elle a pris de l’assurance et joué plus naturellement les saynètes qu’elle trouvait stupides et mièvres. Même les costumes des africains étaient ridicules. Cependant, étant donné combien on la payait pour participer à cette bluette, elle n’allait pas critiquer quoi que ce soit. Et après trois jours de tournage de scènes idiotes, elle a commencé à devenir exigeante et quelque peu hautaine et capricieuse ; sauf envers Paco et Tobias, évidemment. Au bout de  ces trois jours, on a déposé dans son bungalow des preuves de virement en dollars à cinq chiffres qu’elle a rangé dans sa valise. Tout allait bien.

 

Le scénario consistait en l’histoire saugrenue d’une exploratrice blonde arrivée par hasard dans un village africain et que les autochtones vénéraient à cause de sa couleur de cheveux. D’ailleurs, elle avait dû se décolorer les siens à l’eau oxygénée dès son arrivée.

Un gros nanar en perspective, mais pour un début, c’était mieux et plus reluisant qu’une publicité pour un shampoing ou une savonnette !

 

Dans un passage de l’histoire, l’héroïne devait descendre le long d’un toboggan pour échapper à une tribu adverse. C’est la scène la plus spectaculaire du film et la plus compliquée à tourner, d’après tous ceux qui en parlent. Ça doit être réglé au millimètre près pour des raisons de sécurité.

 

La veille du tournage de cette fameuse scène, Tobias était venu en personne la chercher pour l’amener sur le lieu du tournage: Vous voyez, princesse, comme c’est haut ? Vous descendrez le long du toboggan vert que vous apercevez sur la droite qui sera alimenté en eau pour que ça glisse facilement. Il se termine en remontant, ce qui vous projettera en l’air et vous atterrirez plus loin derrière le gros rocher, sur un matelas gonflable. Vous devrez paraître effrayée. »

 

En estimant la profondeur, la longueur du toboggan et la distance qui la séparait du gros rocher, Bev s’est dit qu’elle n’aurait aucun mal à jouer les effrayées ; elle serait probablement terrifiée par un tel vol !

En face, de l’autre côté du précipice, un mur naturel agrémenté d’un carré peint en vert, ainsi qu’une vingtaine de caméras disposées un peu partout n’ont pas manqué de l’intriguer.

– Dites, Tobias, c’est quoi ce carré vert en face ?

– C’est pour un trucage postsynchronisation. A la place du carré, les spectateurs verront une sculpture géante dans la roche: une énorme gueule de serpent. Tout comme le toboggan aura l’air d’être en pierre. Malin, non ?

– OK. Et c’est quoi toutes ces caméras ? Je n’en ai pas encore vu de telles sur les plateaux.

– Ça, princesse, c’est du matériel dernier cri ! Plus moderne, ça n’existe pas ! Ces caméras filment en ultra haute définition et tournent plus vite que les autres ; ce qui permettra d’obtenir des images très nettes alors que vous serez en mouvement. Même les zooms seront nets !

– Eh bien, c’est du sacré matériel que vous avez là !

– C’est sûr ! Un véritable investissement !

– Et pourquoi autant de caméras, en face, à droite à gauche, dessous et au-dessus ?

– Vous serez filmée de partout à la fois, car je pense qu’on ne fera qu’une prise. Je serais étonné que vous acceptiez de la refaire…

– Et comment être sûre que je vais bien finir ma course sur le matelas gonflable et pas contre le gros rocher ou sur la paroi d’en face ?

– Vous n’allez pas tarder à le savoir. On va faire couler l’eau dans le toboggan et y déposer un mannequin en latex qui a vos dimensions et qui fera exactement votre poids. Il va falloir que vous montiez sur la balance, princesse. » Tobias a terminé sa phrase en plissant les yeux et en affectant un petit sourire en coin qui a amusé Bev.

 

Effectivement, des techniciens sont arrivés un peu plus tard et ont déposé au sol une balance électronique ainsi qu’un mannequin qu’ils on rempli d’eau. Bev est montée sur la balance et ensuite, le mannequin y a été déposé. Il était trop lourd, alors un technicien a ouvert une petite valve au pied de ce dernier et a laissé s’écouler l’eau doucement jusqu’à ce que le poids affiché corresponde à celui de Bev, au gramme près.

Pendant ce temps, un autre technicien faisait des calculs et jouait sur l’inclinaison de la remontée du toboggan. Quand il a fait signe que le réglage était bon, le mannequin a été déposé sur le toboggan et lâché. Bev l’a vu filer comme un boulet de canon vers le bas, puis remonter comme une flèche pour redescendre ensuite plus loin et disparaître derrière le gros rocher. Elle a entendu un « Platch ! » au moment de la réception. Un technicien qui suivait la trajectoire du mannequin a levé le pouce en criant: « C’est bon ! Pile au milieu du matelas ! »

 

Elle est restée un moment dubitative et a fait part de son inquiétude à Tobias: « N’est-ce pas un peu dangereux ? C’est quoi comme matelas ?

– Aucun danger, princesse ; je ne le permettrais pas. Le matelas est gonflé d’air en permanence et lorsqu’un objet lourd tombe dessus, l’air s’évacue par des ouïes latérales. Ce qui amortit confortablement la chute. Aucun danger pour vous, je vous l’assure. Tout est millimétré.

– Quand même… Vous n’avez pas pensé à recruter un cascadeur pour cette scène ?

– Un cascadeur pour la scène culte du film ? Celle qui vous rendra célèbre et vous fera connaître auprès de ce que le monde du cinéma compte de personnes importantes ? C’est justement pour ça que vous devez le faire, princesse. Ce sera un jeu d’enfant. Je suis prêt à parier qu’après cette scène, tout le monde aura envie de vous voir…

 

Tobias a conseillé à Bev de rentrer se reposer dans son bungalow et qu’il la retrouverait pour le dîner.

Elle a réussi à dormir un peu, mais un affreux cauchemar l’a réveillée en sursaut: Babeth se tenait devant elle, le visage noir et congestionné, arborant un affreux sourire cruel qui montrait ses dents sous une lèvre à demi relevée. Et elle lui disait: « Comment as-tu pu me faire ça ? Pour un putain de rôle ? Pauvre folle ! Tu vas le payer ! » Et elle s’était approchée les mains en avant comme pour l’étrangler.

Assise dans son lit, elle se demandait si elle avait crié. Elle a attendu un peu et, comme personne ne venait frapper à sa porte pour demander si tout allait bien, elle en a conclu qu’elle n’avait pas hurlé.

Le soleil commençait rougir et à descendre sur l’horizon. Comme elle se sentait bien ici ! L’Afrique la faisait vibrer. Elle se sentait bien plus vivante qu’à New York ! New York… Babeth ! Ne plus y penser… Quand le tournage serait terminé, elle aurait les moyens d’aller s’installer à Beverly Hills. « Bev à Beverly ! Si ce con de Tommy la voyait, si tous les ploucs du Maine la voyaient, ainsi que ses parents, ils en feraient une jaunisse, hein ? La petite grosse qui ne ferait jamais rien de mieux que travailler dans une épicerie ou torcher des gosses ! Vous allez voir, les culs terreux ce qu’est une star ! Une vraie ! Bordel ! »

 

La soirée avait été exquise et Tobias avait réservé une table pour eux deux. Il s’était montré charmant et l’avait couverte de compliments pour ce qu’elle avait déjà accompli. Elle avait, d’après lui beaucoup progressé en très peu de temps et, d’après ce qu’il avait pu voir des prises, elle avait effectivement un talent indéniable. Elle flottait à nouveau sur un nuage.

 

Bev a eu du mal à trouver le sommeil et, vers une heure du matin, elle a entendu de drôles de bruits, des « POM! » à plusieurs reprises. Et puis plus rien. Elle a repensé à la scène du lendemain et s’est finalement endormie.

 

Quand Tobias est venu frapper à sa porte au petit matin, elle s’est réveillée en sursaut, avec l’impression de n’avoir pas dormi. Tobias semblait enjoué: « Allez, princesse, c’est le grand jour, votre jour ! Je vous attends au restaurant et je vous commande un petit déjeuner. À tout de suite ! »

 

Bev a sauté de son lit, couru jusqu’à la douche, séché ses cheveux devenus blonds, si blonds qu’elle avait du mal, parfois à se reconnaître dans le miroir. Elle s’est habillée à la hâte, un short en jean et un t-shirt jaune arborant un énorme smiley sur le devant.

 

Au restaurant de l’hôtel, Tobias sirotait un café qui fumait encore. En l’apercevant, il s’est levé et l’a gratifiée d’un large sourire : « Bonjour princesse ! Vous avez été rapide ! C’est très pro. Bravo ! Asseyez-vous. » Dit-il en écartant la chaise située en face de la sienne. Des plats métalliques couverts étaient disposés au milieu de la table, chauds. Des œufs brouillés, des saucisses et du bacon frit. Sous une serviette blanche, une coupe de fruits au sirop, un broc de café chaud, du sucre, des pains, de la confiture et bien sûr, du jus d’orange pressée.

Bev, en découvrant toutes ces victuailles si odorantes, surtout le bacon, a constaté qu’elle avait un appétit d’ogre. Elle a dévoré son petit déjeuner en un temps record.

 

Tobias la regardait manger, un sourire en coin: « Ne mangez pas trop princesse, sinon, il faudra remonter sur la balance et calibrer à nouveau le mannequin et le toboggan avant de tourner la scène… »

Bev est restée un moment la fourchette suspendue devant son visage, inquiète. Et quand Tobias a éclaté de rire, elle a souri et reposé sa fourchette. Plus d’appétit !

– Je plaisantais princesse, je plaisantais. Je voulais dédramatiser. On n’est pas à quelques grammes près. D’après le technicien, un kilo de différence vous ferait dévier de dix centimètres, pas plus. Alors… Aucun danger. On a de la marge. Le matelas est très grand…

 

Quand ils sont arrivés sur la scène de tournage, à bord du Land Rover, un monde fou courait dans tous les sens et procédait aux derniers réglages. Le metteur en scène était assis sur sa chaise nominative et recueillait les informations délivrées par les techniciens dans son casque acoustique qui reposait sur une seule oreille… Il leur répondait dans le micro intégré.

 

Les maquilleuses sont arrivées et l’ont entraînée dans une tente montée pour l’occasion pour l’habiller. Ou plutôt pour la déshabiller. Elle devait revêtir une sorte de string léger en peau qui ne cachait pas grand-chose ; « heureusement que j’ai eu la bonne idée de me raser le pubis ! » A-t-elle pensé. Les maquilleuses sont ensuite entrées dans la danse: on l’a coiffée façon femme des cavernes en ébouriffant sa chevelure. On lui a mis de la poudre pour unifier la couleur de peau de son visage et pour finir, on lui a Sali les joues avec du noir pour faire croire qu’elle venait de fuir un village en feu.

Dans le script, la princesse fuyait, poursuivie par les guerriers d’une tribu cruelle et ne s’en sortait que grâce au toboggan.

Les habilleuses ont fini par lui déposer une serviette éponge sur les épaules pour cacher sa poitrine, en attendant le début du tournage. Le metteur en scène lui a rappelé comment elle devait se comporter, où elle devait se placer. Ce qu’elle connaissait parfaitement.

 

Quand la séance a débuté, Bev arrivait en courant de derrière les buissons et s’asseyait sur le bord du toboggan. A force de répéter la scène, elle a cru remarquer que le bas du conduit était bien plus relevé que la veille. Elle a froncé les sourcils, et Tobias lui a demandé si quelque chose n’allait pas. Elle a répondu que non. Se traitant intérieurement d’idiote…

 

Et là, maintenant, c’est la scène du grand saut. Bev est assise au bord du toboggan. Elle regarde vers le bas, le cœur battant très fort dans sa poitrine. Tobias lui fait un signe, le pouce relevé, il lui assure que le public paiera une fortune pour voir cette scène qui la rendra célèbre, mais elle n’arrive pas à sourire. Tout le monde s’est tu autour d’elle. Elle sait que les figurants déguisés en sauvages n’arrêtent pas de gesticuler derrière elle.

L’eau coule dans son dos et sous ses fesses. Elle est froide ! Bev sent la chair de poule hérisser tous les poils de son corps et ses tétons se durcir.

La voix contenue de Paco lui susurre: « On est prêts, ça tourne, c’est quand vous voulez, princesse. »

Bev se dit qu’elle ne veut pas, que c’est complètement dingue de faire un saut pareil. Puis elle se reprend: « Tu es une star, oui ou non ? » Et d’un coup de reins, elle se projette en avant et entame sa glissade. En quittant le haut du toboggan, elle a senti qu’il se passait quelque chose de bizarre au niveau de son string. Elle a alors baissé les yeux et constaté qu’il avait disparu ! Elle glissait devant toutes les caméras le cul à l’air et le sexe rasé ! Et quand, arrivée en bas, elle a décollé dans les airs, elle n’a pu s’empêcher d’écarter les bras et les jambes. Elle a fait une pirouette en l’air et elle a fini sa course dans une violence extrême contre la roche en face, en plein milieu du carré vert.

 

Sous l’impact, son corps s’est disloqué. Ses bras et ses jambes qu’elle tentait de mettre en avant pour se protéger in extrémis, se sont brisés en plusieurs morceaux. Ensuite, son front a percuté en premier la plaque pariétale et ses yeux ont été éjectés de leur orbite pour éclater contre la roche. Quand le reste de son corps est venu se plaquer contre la paroi, ses seins ont littéralement explosé et ses intestins ont jailli de chaque côté alors que son gros colon se vidait le long de ses cuisses, tout comme sa vessie. Ça n’a duré qu’une fraction de seconde, mais avec les caméras modernes, on peut décomposer ce qui se passe en si peu de temps sur une minute, grâce au ralenti. Et c’est net…

 

Bev est restée collée à la paroi durant presque une minute. Ses doigts ont tressailli durant quelques secondes, puis elle a glissé tout doucement et elle est tombée au fond du gouffre.

Les caméras l’ont suivie, ainsi que le drone qui est descendu filmer son cadavre sur les galets de la rivière.

 

Quand le metteur en scène a crié « Coupez ! » Tous les gens présents ont applaudi.

Tobias s’est approché d’un répétiteur d’image et a repassé la scène au ralenti, il voit Bev descendre le long du toboggan, baisser la tête et remarquer l’absence du string, son expression change à ce moment-là, il le remarque et sourit quand il la voit tenter pudiquement de cacher son sexe de ses mains. Ensuite, elle s’envole comme une étoile et en fonction des angles de prise de vue, les caméras et leur zoom insistent sur les détails de son intimité. Tobias avance dans l’enregistrement et visionne l’impact sous tous les angles.

Quand il a terminé, il se retourne et constate, comme d’habitude que tout le monde attend son verdict. Il prend un air solennel et hurle : « Sensationnel ! C’est la meilleure ! »

Alors tout le monde applaudit à nouveau et pousse des cris de joie.

Le metteur en scène s’approche de Tobias et, tout bas: « Alors patron, combien tu comptes en tirer de celle-là ? Cinq cent ?

– Non. Ça vaut bien plus.

– six cent ?

– Deux mille !

– Pour l’achat ?

– Non. Pour une seule vue avec un cryptage temporel pour que les clients ne puissent pas l’enregistrer. Tu verras qu’ils demanderont à la revoir. Et pas qu’une fois ! Et ils seront nombreux. Quand ça va se savoir…

– C’est dingue, quand même !

– C’est le business du dark web. Tellement de tarés là-dessus qui veulent du trash… On est riches, tu ne vas pas t’en plaindre Paco, non ?

– Oh non ! Pas du tout !

– Bon, écoutez-moi tous ! La prochaine sera la princesse moldave ! Et on tournera la scène du pal. Je veux une princesse pour le mois prochain ! Une rousse ! Allez, on remballe et on nettoie tout ce bordel ! On reprend l’avion ce soir ! Good job les gars ! Au fait, Paco?

– Oui patron ?

– Tu nous refais des bordereaux de virements pour la prochaine et tu récupères ceux qui se trouvent dans le bungalow de l’autre idiote, idem pour le contrat et le script. Je veux qu’il ne reste aucune trace de nous. OK ? Et super le coup du string avec le fil de pêche ; j’ai craint que ça ne fonctionne pas.

– Patron ! On est des pros !

 

– Oui…  À tout à l’heure.

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