ETE INDIEN
Quand Mary et Tim Anderson se sont mariés, il y a trente années de cela, ils se sont installés à New-York, dans un petit appartement vieillot mais confortable dans un vieil immeuble. Mary a ouvert sa boutique de fleuriste à trois pâtés de leur appartement et Timothy, qui se fait appeler Tim, a, grâce à son diplôme d’ingénieur, été embauché chez Gil-Bar industries dans la dix-neuvième avenue. Le couple a d’abord vécu chichement, comme la plupart des américains, durant la période de remboursement du prêt bancaire pour la boutique et, une fois ce prêt remboursé et quelques échelons gravis par Tim dans la firme, leur niveau de vie s’est considérablement amélioré. Malgré tous leurs efforts, aucun enfant n’est venu agrandir le cercle familial; ils n’ont jamais su pourquoi et se sont fait une raison. Leur vie était agréable et le fait de n’avoir pas d’enfant leur permettait d’êtres libres; libres d’aller assister aux spectacles, d’aller au cinéma à n’importe quelle heure et de se lever et se coucher à leur guise. Au bout de quelques années donc, ils ont pu s’acheter une voiture en bon état et se débarrasser de leur vieille guimbarde, une Dodge challenger de 1970 qui menaçait de tomber en morceaux à n’importe quel moment. Ils avaient alors acheté d’occasion une Ford break très récente et avaient pu partir en vacances pour la première fois.
A chaque escapade en dehors de la pomme, ils partaient découvrir une nouvelle région, un nouvel état. Leurs périples avaient débuté vers le Sud et l’Ouest. Chaque année, ils décidaient de l’état où se rendre et préparaient d’après les guides touristiques leur parcours et les sites à visiter. Chaque expédition apportait sont lot de souvenirs et de photos.
Une année, Mary a eu l’idée de remonter vers le Nord et de découvrir le Maine. Ils avaient emprunté la quatre-vingt-quinze et étaient passés par Boston, Porsthmouth, Portland, Augusta et Bangor où ils étaient descendus à l’hôtel Holiday Inn; un hôtel quatre étoiles, clair, propre et aux chambres spacieuses qui avait beaucoup plu à Mary.
L’état du Maine avait remporté la palme de tous les états visités. Sans doute en raison des températures tempérées, de son été indien et de la proximité avec l’océan, ses îles, ses lacs et le mont Katahdin. Et… Old city ! Ce petit hameau perdu dans la forêt qu’ils avaient découvert après une longue marche en suivant un chemin et aussi grâce au GPS de Tim. Mary était tombée sous le charme de l’endroit, près du Wassataquoik stream et la Pogy Brook.
Le couple avait adoré les longues promenades en forêt en cette fin août; les feuilles des arbres commençaient à se teinter de rouille et donnaient à la nature un air d’Halloween avant la date. Et ce calme si loin des turpitudes des villes !
Les gens du coin étaient sympathiques et ne faisaient pas de chichis. Les discussions allaient la plupart du temps à l’essentiel; mais ils aimaient bien rire et n’avaient aucun à priori concernant les étrangers.
Le premier soir passé à l’hôtel du Bowlin Camps Lodge, Mary avait avoué à Tim qu’elle s’établirait bien dans un coin pareil; elle s’y sentait accueillie et en sécurité. Tim s’y sentait bien lui-aussi, mais seulement pour les vacances. Son poste à chez Gil-Bar était bien trop important et ses perspectives de carrière trop prometteuses pour qu’il décide de quitter New York sur un coup de tête pour aller vivre dans la forêt à Old City ! Pour y vivre de quoi ?
Mary et Tim ont depuis cet été-là passé toutes leurs vacances à proximité d’Old City et y ont tissé des liens d’amitié avec les habitants et tout particulièrement avec les patrons de l’hôtel : Rosy et John. Ils descendaient toujours au Bowlin Camps Lodge près de la branche Est de la Penobscot et y avaient leurs habitudes. Tout cet univers en bois, au milieu de la forêt avait un goût de paradis.
L’hiver dernier, il y a eu un incident. Mary s’est fait agresser le soir à la sortie de son magasin après avoir fermé la porte à clé, alors qu’elle s’apprêtait, du trottoir à héler un taxi.
Le type lui a semblé sortir de nulle part; il était grand et très costaud, comme un culturiste. Son visage était dissimulé derrière une cagoule et il portait des gants ainsi qu’une capuche de survêtement. Tout ce qu’elle a pu en voir, c’était ses yeux injectés de sang.
Il l’a attrapée par le bras et s’est emparé de son sac à main. Elle a reculé d’un pas et s’est dégagée et, alors qu’elle allait crier, l’agresseur a brandi un énorme couteau de chasse devant son visage et, de sa voix basse et forte lui a intimé l’ordre de fermer sa gueule et a ponctué sa phrase par une claque magistrale qui l’a projetée au sol sur le trottoir. Et il a disparu.
Mary s’est recroquevillée en position fœtale, a fermé les yeux pour échapper à ce qui lui arrivait. Elle est restée comme ça pendant un bon moment; jusqu’à ce qu’un jeune homme vienne à son secours. Elle portait une terrible marque sur sa joue, sans doute laissée par les bagues du voleur. La police est arrivée ainsi qu’une ambulance et Mary a terminé sa déposition dans le service d’urgences du New York Presbiterian Hospital. Elle était en larmes, assise sur un brancard et pleurait en silence, tout en appliquant la compresse froide sur sa joue endolorie. Un des policiers lui a prêté son portable pour qu’elle puisse appeler son mari.
Tim est arrivé en trombe quinze minutes plus tard, affolé. Il l’a serrée dans ses bras et l’a bombardée de questions sur son état. En découvrant sa blessure à la joue, il a blêmi et lâché un « Oh mon Dieu ! Ma pauvre chérie… »
Une fois rentrée, dans son lit, Mary s’est mentalement repassé la scène de son agression et elle culpabilisait pour ne pas avoir su se défendre. Elle imaginait d’autres scénarii dans lesquels elle aurait eu un automatique dans son sac à main et une petite voix ironique lui susurrait : »comme le voleur lui a pris ton sac, l’automatique ne t’aurait servi à rien. Pire, s’il l’avait trouvé dans ton sac, il aurait très bien pu te tuer avec. Drôle non ? Te faire tuer avec ta propre arme à feu ! Ah ah ah ! » Autre scénario : Un petit Derringer caché… Dans une jarretelle par exemple ! La petite voix : » très sérieusement… je te rappelle que tu étais en pantalon, tu aurais eu du mal à t’en saisir, à moins de te retrouver les fesses à l’air devant ton agresseur… La grande classe ! La seule possibilité aurait été de porter un holster ou un étui à la ceinture… Oublie, tu ne sais pas te servir d’une arme; tu n’aimes pas les armes. Et puis, cela s’est passé en si peu de temps que tu n’aurais jamais eu le temps de sortir une arme avant qu’il ne pointe son poignard devant ton visage. Et en admettant que tu aies sorti une arme, qu’aurais-tu fait ? Tu crois que ce gars bourré de crack aurait été intimidé ? Aurais-tu eu le cran de lui tirer dessus ? Non… »
Suite à cette agression, Tim et Mary se sont serrés les coudes. Ils ont longuement et souvent discuté de ce terrible épisode. Mary n’a pas repris le travail tant que sa joue n’a pas retrouvé sa couleur normale. Elle a finalement réussi à se convaincre que le quartier n’était pas si dangereux que ça et que c’était la première fois en vingt ans qu’un tel drame s’y déroulait. Mais… Une partie d’elle conservait en mémoire le regard injecté de sang et le coup si brutal sur sa joue qui l’avait projetée au sol. Comment oublier ça ? Elle revivait la scène tous les soirs dans son lit avant de pouvoir chasser ces images, ces sensations, cette tension dans son ventre et ces palpitations, avant de pouvoir enfin dormir.
Le médecin lui a prescrit des anxiolytiques qui l’aident dans la journée; mais quand le soir tombe, l’angoisse remonte à la surface.
Alors, Mary a décidé de s’en ouvrir à Tim. Elle ne pourra jamais plus vivre normalement ici, à New York, avec le risque qu’un autre junkie s’en prenne à elle pour quelques dollars et la frappe ou la tue. Non. A cinquante-quatre ans, elle attend autre chose de l’existence que la peur et l’insécurité. Elle veut quitter l’état et partir dans le Maine et s’installer à Old City pour y trouver une vie normale. Un cadre apaisé, naturel et y passer le reste de sa vie loin du bruit et des violences de la ville. Elle vendra sa boutique pour pouvoir acheter une maison et Tim a suffisamment cotisé à son plan d’épargne pour qu’ils puissent vivre décemment.
Bien que peu enclin à changer de vie, Tim a bien senti que sa femme était arrivée au bout de ce qu’elle pouvait supporter et ce, malgré les anxiolytiques. Et elle avait raison; ils pouvaient partir s’installer dans le Maine et y vivre paisiblement et confortablement. Ce qui comptait le plus pour lui, c’était Mary. Alors… En route pour Old City !
La boutique de Mary s’est très bien vendue avec une importante plus value et la vente a été conclue très rapidement. Tim a déposé sa demande de départ à la retraite et trois mois plus tard, il était libre comme l’air.
Ils ont vendu tous leurs meubles et leur électroménager, ont rompu leur bail de l’appartement et, un matin ensoleillé de juillet, ils ont chargé leur tout nouveau break Chevrolet de leurs souvenirs et objets auxquels ils tenaient et ont pris la route pour le Maine, la quatre-vingt-quinze. Tim avait mis son CD des standards des années soixante-dix et Creedence Clearwater remplissait l’habitacle de son « Run through the jungle » et « Proud Mary » n’allait pas tarder à suivre pour son plus grand plaisir.
Mary avait rejeté ses chevaux en arrière, maintenus par un bandeau bleu ciel et avait chaussé ses Ray-ban préférées. Elle souriait comme elle n’avait pas souri depuis longtemps. Sept heures et quarante-cinq minutes pour arriver à Bangor et une heure et demie de plus pour se garer devant le Bowlin Camps Lodge qu’ils avaient appelé une semaine plus tôt pour réserver « leur » bungalow pour toute la saison estivale. Mary était à nouveau radieuse.
Après toute cette route et avoir vidé le break, ils étaient fourbus. Ils se sont couchés tôt et Mary s’est immédiatement endormie. Tim est resté un bon moment à la regarder dormir. Le visage de son épouse avait retrouvé un aspect apaisé. Avant de quitter l’appartement, il avait fermé le dernier sac poubelle pour le descendre au bas de l’immeuble et, en refermant le sac, il avait vu les boîtes d’anxiolytiques que Mary avait jetées… Il a alors croisé les doigts et pensé « pourvu que ça dure… » Avant de se retourner et de s’endormir à son tour.
Quand Tim s’est réveillé le lendemain matin, il faisait jour et un grand soleil inondait le bungalow. Une bonne odeur de café se répandait jusqu’à lui et Mary chantonnait dans la cuisine. Elle portait une de ses chemises. Elle préparait des œufs brouillés et cuisait des tranches de bacon. Tim était en caleçon, portait un t-shirt blanc et des chaussettes. En arrivant tout près de Mary, derrière elle, il a posé ses mains sur ses hanches et a susurré un « Bonjour beauté » comme il le faisait au début de leur mariage. Mary a baissé la tête et il en a alors profité pour lui déposer un baiser dans le cou. La toile de son caleçon se tendait et Mary s’est retournée, a lâché ses ustensiles, a attrapé les épaules de son mari et, en un bond a refermé ses jambes autour de la taille de Tim. Elle ne portait pas de culotte; ce qui n’était pas arrivé depuis des décennies. Mary et Tim ont fait l’amour comme au début de leur relation; avec fougue et tendresse. Pour leur plus grand bonheur.
A l’accueil, Ils demandent à Rosy, la propriétaire de l’hôtel si elle connait des maisons à vendre dans les parages. Rosy fait des yeux tout ronds : » Vous voulez vous installer ici ?
_ Parfaitement Rosy. On a quitté New York pour nous établir dans le coin.
_Ben ça alors ! Oh Mary ! Quelle bonne nouvelle ! John ! Viens voir ici ! »
John le mari de Rosy, petit bonhomme bedonnant et dégarni passe la tête par la porte entrouverte : » Oui, Rosy ? Qu’y a-t-il ?
_ Mr et Mrs Anderson ont décidé de s’installer par ici !
_ Non ! C’est vrai ?
_ Ouiiii ! La population va enfin augmenter ! Ils cherchent une maison à acheter. Serais-tu au courant de quelque chose qui se vend dans les environs ? Moi, je ne vois pas…
_ Je vais me renseigner. Promis… Autrement, il y a des agences à Bangor; ils ont peut-être quelque chose à vous proposer dans les environs ? Ça vaudrait le coup d’aller les voir. Non ?
Rosy, malgré son embonpoint, fait rapidement le tour de son comptoir et tend les bras ver Mary : Oh Mary ! Il faut que je vous embrasse ! Et vous aussi Tim ! C’est génial !
Avant de se rendre à Bangor, les Anderson partent marcher un bon moment dans les bois pour se sentir à nouveau tout petits au pied de ces grands arbres majestueux, entendre les bruits de la nature, le chant de la rivière et respirer cet air parfumé par les résineux.
A Bangor, c’est sur main street, à l’agence ERA Dawson-Bradford qu’ils trouvé des biens situés près d’Old City; L’agence sur Queen city real estate ne s’occupait que des habitations de Bangor.
A travers les vitres des bureaux situés à l’étage, il y avait une superbe vue sur la Penobscot. L’agent, Paul Roth, un jeune trentenaire habillé chic et faussement décontracté avec le col de sa chemise ouvert les a accueillis dans son bureau plutôt sobre; au mur, seul son diplôme de formation cassait la monotonie de l’ensemble.
Il avait tout un carton concernant les ventes à Old City. Mary était toute excitée en voyant le nombre de dossiers; mais en prenant connaissance du prix des propriétés, son excitation s’est vite transformée en frustration. Il n’y avait finalement rien en dessous du million et demi de dollars et la vente de la boutique avait rapporté six cent mille dollars. Et même en y ajoutant leurs économies, ça ne suffirait pas. Ils n’arriveraient jamais à emprunter autant.
Devant la mine déconfite des Anderson, l’agent a paru contrarié et s’est voulu rassurant : « Ce que je vous ai montré là, c’est le haut de gamme. J’ai sûrement d’autres affaires moins onéreuses… Vous permettez un instant ? Servez-vous un café pendant ce temps; je reviens dans cinq minutes.
Au bout d’un quart d’heure, l’agent est réapparu en tenant un dossier poussiéreux sous le bras. Mary a remarqué que l’agent transpirait et qu’il n’était plus aussi enjoué qu’à leur arrivée… » J’ai là quelque chose d’un peu spécial… Le terrain est important, bien placé et la maison assez grande. Mais…
_ Mais ?
_ Mais cela fait longtemps qu’elle n’est plus habitée.
_ Combien de temps ?
_ Euh… Soixante ans… Il y aura des travaux, bien sûr, mais le prix est étonnamment bas et le coin est magnifique.
_ Vous avez des photos?
_ Oui, bien sûr… Tenez.
Mary et Tim ont longuement observé les photos de la maison, se sont regardés et Mary a demandé : « C’est une rivière que l’ont voit passer derrière la maison ?
_ Oui. C’est la Pogy Brook qui passe derrière. C’est poissonneux à ce qu’on dit.
_ Et concernant le prix étonnamment bas ? Quel est-il ?
_ Humm… Il faut savoir que ce sont les héritiers de la famille Randall qui vendent la propriété. A ce que j’en sais, ils sont nés dans cette maison que leurs parents avaient fait construire.
Ils auraient quitté la maison durant leur enfance, les parents les auraient envoyés à Washington dans la famille. Et il y a quinze ans, ils ont décidé de vendre. Oui… ça fait un sacré bail…
_ Mais… Si cela fait soixante ans demande Tim, les vendeurs ont quel âge ?
_ Ce sont des sexagénaires qui approchent la dizaine suivante… Le prix est de quatre cent mille dollars et c’est négociable.
Mary et Tim se regardent, surpris. Mary entame un sourire qu’elle réprime aussitôt. « Négociable à quel point ? Parce que l’état de la maison laisse supposer de lourds travaux. Les photos montrent une masure presque en ruine, un véritable taudis. Il faudra peut-être la raser et en reconstruire une autre. Et ça fait quinze ans qu’elle est à vendre… Je crois deviner en vous un négociateur doué. Je me trompe ?
_ Je dois voir ça avec les propriétaires…
_ Pouvez-vous nous montrer où se situe la propriété sur une carte ?
_ Bien sûr, il y a un plan de masse dans le dossier avec les limites de la propriété le long de la Pogy Brook. Là, voilà.
_ Il y a d’autres propriétés à proximité ?
_ Oui, un peu plus haut en suivant la route qui en fait est un chemin; chez les Hanlon. Des descendants des pionniers, je crois.
_ Nous aimerions nous rendre sur place pour visiter avant de proposer ou signer quoi que ce soit.
_ Mais c’est bien normal. Voici la clé de la maison et ma carte. Appelez-moi quoi que vous décidiez. Je vais de toute façon contacter les propriétaires afin de les inciter à baisser encore le prix. Et… N’oubliez pas de me rapporter la clef.
Les Anderson sont descendus en silence, Mary serrant très fort la grosse clé en fer dans sa main. Et une fois dans leur break : » Tim ? Je rêve ou c’est la réalité ?
_ Tu ne rêves pas…
_ Ouiiii ! On va pouvoir acheter une maison dans la forêt ! Et on aura de quoi faire les travaux ! Bonté divine ! Tu as vu la propriété ? Près de la rivière ! Eau courante et poisson à volonté !
_ Et pour le Net ?
_ On descendra à Bangor pour se connecter s’il n’y a pas moyen d’avoir ça à la maison… Je n’y crois pas ! Allez, pince-moi ! Aïaah ha ha ha ! Arrête, ça fait mal… J’ai déjà la clef !
_ Oui. Mais le prix est drôlement bas quand même; ça ne t’intrigue pas ?
_ Tu parles, les vieux croûtons vivent à Washington et ils n’ont jamais remis les pieds dans la maison depuis leur enfance. Ils s’en fichent pas mal de cette baraque ! Tant mieux pour nous !
_ OK. On ira la visiter demain. On partira le matin de bonne heure.
En rentrant à l’hôtel, Ils souriaient comme deux ados qui viennent de se déclarer leur flamme et, en les voyant ainsi arriver, Rosy a elle aussi affiché un grand sourire : alors les amis ? Vous avez trouvé quelque chose, hein ? Je le vois à vos mines !
_ Ouiiii Rosy ! » A répondu Mary en brandissant la clé rouillée. « Et on a la clé ! »
_ Incroyable ! Et elle est où cette maison ?
_ A Old city ! N’est-ce pas merveilleux ?
Rosy est restée un instant avec son sourire figé sur le visage. « A Old City ?
_ Oui ! Un endroit magnifique que nous avons découvert au cours de nos expéditions dans la forêt.
_ D’accord. Et où exactement à Old City ?
_ Près de la rivière. Une propriété magnifique.
_ Ce ne serait pas la maison abandonnée par hasard ?
_ Si. Vous la connaissez ?
_ Tout le monde la connaît. Et personne n’en voudrait pour tout l’or du monde. N’achetez pas cette maison-là… J’ignore pourquoi, mais personne n’en veut. Il doit bien y avoir une bonne raison.
_ Rosy ! Si personne n’en veut, c’est parce qu’il y a une montagne de travaux à faire et que les propriétaires sont trop loin pour s’en occuper.
_ Il n’y a pas que ça Mary. Renseigne-toi avant de l’acheter. Il y a quelque chose de pas net avec cette maison. »
Mary a haussé les épaules et demandé à Rosy ce qu’elle avait prévu au menu du soir dans son restaurant. Ils allaient fêter ça…
Le lendemain matin, aux aurores, Mary a réveillé Tim. Elle était déjà douchée, habillée et portait ses chaussures de marche. Son sac à dos était posé au sol contre la cloison. « Allez ! Debout paresseux ! On a une mission à accomplir ! Le café est prêt et je t’ai préparé un petit déjeuner énergétique à base de protéines végétales. Sors de ce lit immédiatement ! Ouste ! » Et elle a soulevé le drap et la couverture d’un coup en éclatant de rire.
Tim ne reconnaissait plus sa femme et avait l’impression de faire un bond de trente ans en arrière. Quelle bonne idée d’avoir tout plaqué pour venir s’installer dans le Maine !
Ils sont partis bien décidés et ont marché dans la forêt pas mal de temps en suivant le chemin. Un quatre-quatre devait passer par là régulièrement car il y avait des ornières encore fraîches avec des empreintes de pneus. Tim consultait son GPS régulièrement car la forêt était dense et il ne serait pas difficile de s’y perdre.
Au bout de trois heures de marche, le chemin semblait se rapprocher de la rivière car ils entendaient son chant tout près. Tim a consulté son GPS et annoncé qu’ils ne devaient plus être très loin.
Après un virage, la maison apparaît, en bois, bleue et défraîchie. Mary laisse tomber au sol son sac à dos et s’exclame : » L’endroit est encore plus beau que sur les photos… Regarde Tim ! Mais regarde-moi ça ! Une vraie carte postale ! Faisons le tour…
_ Oui M’dame !
Le terrain est effectivement immense, bordé le long du chemin par une simple balustrade en rondins. Les arbres y sont gigantesques et la rivière égaie l’endroit par ses clapotis et ses éclats lumineux. Les Anderson sont comme sur un petit nuage… Mary sort la clef rouillée de sa poche et la montre à son mari. « Entrons voir ce qu’il y a là-dedans… » La clef entre dans la serrure, mais Mary n’arrive pas à ouvrir. Tim essaie à son tour en forçant: « ça doit être grippé, rouillé… attends un peu… Et voilààà ! » La clé a tourné dans un affreux grincement et Tim a ouvert la porte.
Une fois entrés à l’intérieur, le couple s’arrête net. Il fait nuit. Les volets sont fermés et la seule lumière provient de la porte d’entrée entrouverte. Tim ouvre la porte en grand et se déplace vers la fenêtre la plus proche. Le plancher grince tristement. Il ouvre les volets et la pièce s’éclaire; ce qui ne s’est probablement pas produit depuis fort longtemps.
Mary pousse un « Oh ! » de surprise en découvrant que la maison est meublée. Entièrement meublée en style rustique. Tout est recouvert d’une épaisse poussière. Il y a même des cadres au mur. Des photos de famille, on dirait. Près de la cheminée, un rocking-chair est recouvert d’un plaid en laine qui semble avoir été fait main. Sur la table, un verre est resté; empli au quart de poussière.
Tim ouvre les autres fenêtres et les volets. Maintenant que l’intérieur est bien éclairé, il semble que la maison ne soit pas en aussi mauvais état que ça. Le plancher est en chêne épais et, à part deux grandes taches sombres, il a l’air encore solide.
Mary et Tim gardent le silence dans cette ambiance oppressante. Cette impression que la maison est encore habitée avec tous ces meubles et ces objets du quotidien restés en place. Ils ont comme l’impression de violer un sanctuaire, d’être des voleurs… Au moment où ils entrent dans la cuisine, une voix les fait sursauter et leur arrache un cri de frayeur. » Qui êtes-vous ? » Dans l’encadrement de la porte restée ouverte, un jeune garçon les regarde avec curiosité. Il doit avoir quinze ans. Il a un peu d’acné sur le visage. Son jean est troué aux genoux et sa chemise à carreaux rouge et noire paraît trop grande pour lui. » Je m’appelle Tommy Hanlon. J’habite un peu plus loin au bout du chemin. Désolé, je crois bien vous avoir fait peur…
_ Tim Anderson et mon épouse Mary. Enchanté Tommy.
_ Vous faites quoi ici ?
_ L’agence de Bangor nous a envoyés visiter la maison.
_ L’agence ? Mais pourquoi ?
_ On cherche une maison à acheter dans le coin.
_ Oh ! Je crois pas que ça soit une bonne idée M’sieur Tim.
_ Et pourquoi donc ?
_ A cause de ce qui s’est passé ici. A cause de cet endroit.
_ Et il s’est passé quoi ici ?
_ Vous devriez en parler à mon père. Il vous expliquera mieux que moi. Ses parents étaient là à l’époque… »
Tommy qui était resté sur le seuil de la maison sans en franchir le seuil recule et se dirige vers le chemin. Les Anderson se regardent, contrariés et décident de lui emboîter le pas et le rejoignent sur le chemin après avoir refermé la porte à clef.
Au bout de quelques minutes, un peu plus haut et après un virage assez serré sur la gauche, les trois marcheurs entrent dans une propriété et une autre maison en bois, en bon état celle-là apparaît derrière un massif. Une grande maison solide. Tommy invite les Anderson à entrer. « Papa ! On a du monde ! T’es où ?
_ Dans la grange ! Je change la roue du Pickup ! C’est qui ?
_ Les Anderson ! Faut que tu leur parles !
_ Qu’est-ce que tu veux que je leur dise aux Anderson ? Je ne les connais pas…
_ Ils ont visité la maison d’en bas… Pour l’acheter !
_ Ouille ! Nom de dieu de bon Dieu ! Oh Punaise ! Je me suis retourné le pouce ! J’arrive ! »
Et c’est un véritable colosse en salopette bleue qui sort de la grange. Il doit faire plus de deux mètres et semble être taillé dans le roc. Il n’a plus de cheveux et doit bien avoir cinquante ans. Il se tient la main droite dans la gauche. » Va chercher ta mère… Faut qu’elle me remette le pouce à l’endroit ! Bonjour, suivez-moi à l’intérieur de la maison. Faut qu’on cause… »
Lucie, alertée par son fils descend rapidement l’escalier de la maison et elle secoue la tête en voyant la posture de son mari. « Josh ! Tu n’en feras pas d’autre ! Comment t’y es-tu pris pour te retourner le pouce ? Hein ? Grand maladroit ! Oh ! Bonjour monsieur, madame ! On a des visiteurs et tu ne me dis rien Tommy ?
_ S’te plaît, Lucie, ça fait mal… Remets-moi le pouce comme il faut…
_ Oui, pardon. »
Lucie plante son regard dans celui de Josh, s’empare doucement du pouce luxé de sa main droite et d’un coup sec accompagné d’un petit claquement, le remet dans son axe naturel.
Josh ferme les yeux et serre la mâchoire. « Merci… Merci ma chérie. Allons nous asseoir autour de la table du salon. Tommy ! Apporte des bières fraîches, tu seras gentil.
_ Oui P’pa ! »
Josh invite les Anderson à prendre place dans le grand canapé en cuir couleur fauve, Lucie prend place dans un fauteuil et Josh se laisse littéralement tombé dans le sien. Il observe son pouce endolori et tente de le mobiliser. Une grimace déforme aussitôt son visage. » Et puis un seau de glace aussi, Tommy ! Tu seras un ange… Bon… Lucie, je te présente Mr et Mrs Anderson. Tommy nous les a amenés parce qu’ils ont visité la maison du bas. Je crois qu’ils ont dans l’idée de l’acheter. »
L’expression de Lucie est passée de bienveillante à horrifiée en une fraction de seconde. » Doux jésus ! Comment est-ce possible ?
_ Eh bien… madame Hanlon… Nous souhaitons acheter une maison dans les parages et l’agence de Bangor nous a parlé de celle-là. Et comme son prix est intéressant… N’est-ce pas Mary ?
_ C’est exactement ça… Et qu’avez-vous à nous dire de si important au sujet de cette maison ? »
Josh se gratte la tête de la main gauche et plonge la droite dans le seau de glace que Tommy vient de déposer près de lui, entre ses cuisses. « Merci mon grand… Madame Anderson… C’est un sujet un peu spécial cette maison… C’est une histoire qui remonte à loin…A l’époque des premiers colons quand Old City s’est construite.
_ Oh ! Si loin que ça !
_ Oui. Aussi loin dans le temps. Du moins, pour ce qu’on en sait. Vous avez visité la maison ? Et qu’y avez-vous vu ?
_ Elle est entièrement meublée et pas mal d’objets s’y trouvent encore; des objets personnels qui ont dû appartenir aux anciens propriétaires, je présume.
_ Vous avez raison ! Avez-vous remarqué les deux taches sur le parquet non loin de l’entrée ?
_ Effectivement. Sans doute un corps gras qui a coulé sur le plancher.
_ Humm… En quoi croyez-vous ? Croyez-vous en Dieu ? Aux esprits ?
_ Pas vraiment. Mon mari et moi-même ne fréquentons plus l’église depuis pas mal d’années. Qu’entendez-vous par esprits ? Les fantômes des anciens propriétaires ?
_ Non. Pas eux. Les esprits des indiens.
_ Les indiens ?
_ Oui. Les Amérindiens. Les premiers habitants de la région, les Wabanaki. Cette forêt était la leur avant que les colons ne débarquent, les chassent ou les massacrent. Et là ou a été construite la maison en bas, à l’origine, c’était un site sacré des Wabanaki. Un cimetière. Les premiers colons ont immédiatement investi les lieux et y ont construit une maison. L’année suivante, après l’hiver, tout le monde était mort; hommes femmes et enfants. Leurs corps étaient déchiquetés. Les autres colons ont cru à une attaque d’ours ou d’un autre prédateur, et ils se sont installés dans la maison laissée vide. On a retrouvé leurs corps mutilés l’hiver suivant. Alors la maison a été détruite; il n’en restait plus rien et pendant pas mal de temps, l’endroit est resté vide et calme. De génération en génération, il s’est transmis que cet endroit-là ne devait pas être habité. C’est un lieu sacré où reposent des Wabanaki. Et puis, il y a un peu plus de soixante ans, Les Randall sont arrivés; ils ont acheté à je ne sais qui le terrain, ont fait construire leur maison malgré les mises en garde de mes parents et deux années plus tard, on les a retrouvés déchiquetés sur leur plancher. Durant les deux années où ils ont occupé la maison, il se passait des choses… C’est pour ça qu’ils ont expédié leurs enfants à Washington, loin d’ici et de l’abomination. On voyait les Randall s’étioler peu à peu… Mon père m’a raconté que la nuit, il entendait des cris provenir de la maison d’en bas; des cris formulés dans une langue inconnue… de l’Algonquin ! Je crois que c’est comme ça qu’on appelle cette langue. Prenez une bière, elles sont fraîches. Ça vous fera du bien et à moi aussi ! »
Mary regarde son mari un instant et lève les yeux au ciel : « Monsieur Hanlon…
_ Josh, appelez-moi Josh…
_ Josh… Je ne doute pas un seul instant de votre sincérité, ni de celle de vos ancêtres; mais franchement, nous sommes au vingt et unième siècle et nous avons un certain bagage universitaire. Nous ne pouvons prêter foi à de pareilles histoires d’esprits amérindiens qui viendraient trucider des gens dans cette maison prétendument bâtie sur un vieux cimetière. Ne nous en veuillez pas, Lucie, Josh et Tommy, mais nous ne croyons pas un seul instant à cette histoire à dormir debout. Si des gens sont morts, c’est qu’ils ont été assassinés pour leur voler leurs biens ou qu’ils ont été attaqués par des bêtes sauvages. Mais des esprits ? Josh ! Comment pouvez-vous raconter de telles choses sans éclater de rire ?
_ Effectivement, madame Anderson, Mary… ça ne me fait pas rire. Mais pas rire du tout… On est bien au vingt et unième siècle et on croit tout savoir. Je suis plutôt cartésien, voyez-vous; mais pour rien au monde je n’irais habiter en bas. C’est très sérieux et je vous préviens solennellement. N’achetez pas cette maison ! Il s’y passe des choses affreuses en automne. Maintenant, vous et votre mari, vous ferez comme bon vous semble. Mais je vous aurai prévenus et mon épouse ainsi que mon fils en sont témoins.
En quittant la propriété des Hanlon et en redescendant vers la maison, les Anderson restent silencieux, un peu perturbés parce que leur a raconté Josh. Tim veut rompre le silence le premier et au moment où il va prononcer un mot, Mary le coupe net avec un « Non ! » Ce « non » transpire la colère et la frustration qu’elle ressent.
_ Mary, ma chérie, on ne devrait peut-être pas acheter une maison que tout le monde nous déconseille. Il doit bien y en avoir d’autres…
_ Je vais te dire le fond de ma pensée, Tim… Les Hanlon habitent ici depuis toujours. Ils ont pris leurs aises ici, loin de tout le monde; et ils ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de nouveaux voisins. Cette histoire de fantômes d’amérindiens est totalement ridicule. Je veux retourner visiter la maison de fond en comble. On n’en trouvera jamais d’autre à ce prix-là.
_ Mary… La maison est en vente depuis quinze ans; pourquoi se précipiter ? Menons d’abord notre enquête…
_ Non Tim ! Cette maison, je la veux. Nous allons l’acheter.
Cette fois, la serrure n’a pas opposé de résistance et Mary prend le temps de visiter toutes les pièces. A l’étage, les chambres sont toujours garnies. Les lits sont faits et les armoires sont toujours pleines. Deux crucifix se trouvent dans chaque chambre; un au-dessus du lit et un autre sur le mur en face.
La maison n’est pas en si mauvais état que ça. C’est une construction solide et le bois est épais. Le toit par contre aura besoin d’être rénové et Tim a déjà pensé au moyen de produire de l’électricité : Panneaux voltaïques et groupe électrogène au gasoil monté sur cylindres-bloc. De quoi alimenter un frigo, un congélateur, une télé et un démodulateur satellite, une machine à laver et un four micro-ondes. Pour le reste, un fourneau à bois et un étendoir. Reste à réfléchir à l’installation de toilettes et d’une douche…
En rentrant à l’hôtel, les Anderson évitent Rosy et John et se dirigent rapidement en direction de leur bungalow. Ils en ont assez entendu pour aujourd’hui…
La vente s’est rapidement conclue à trois cent cinquante mille dollars. Mary et Tim étaient ravis et avaient l’impression de se trouver dans un rêve. L’agent immobilier aussi ! Pensez donc, conclure une vente vieille de quinze ans… Le patron de l’agence avait promis une prime de deux mille dollars à quiconque réussirait à débarrasser l’agence de cette maison. Il l’avait fait ! Il avait accompli un véritable exploit et il allait empocher les deux mille dollars et se voir décerner un diplôme de meilleur vendeur. Quand les Anderson avaient débarqué à l’agence et avaient déclaré vouloir s’établir à Old City, il avait complètement oublié cette fameuse maison dont le dossier pourrissait au fond de la salle d’archives sur une étagère élevée; Mais quand Mary lui avait demandé s’il n’avait pas autre chose de moins cher, il avait eu comme un flash ! Ces deux-là qui venaient tout droit de New York voulaient une maison à Old City et pas ailleurs… Il allait leur en trouver une ! Et pas la peine de s’appesantir sur les circonstances de la disparition des anciens propriétaires. Non, ce n’était pas son rôle. Son job, c’était de vendre, point barre. Et il leur a vendue.
Les Anderson ont rapidement troqué leur Break contre un Pickup GMC en parfait état chez Varney et acheté les matériaux dont ils avaient besoin chez home Dépôt sur l’avenue Stillwater à Bangor. Tim a fait quelques allers-retours pour apporter tout le nécessaire à la rénovation. Mary a retroussé ses manches, plaqué ses cheveux sous sa casquette des Maine Sting; on ne peut pas faire plus local ! Les meubles ont été conservés pour garder la maison dans « son jus ». Tim a réparé le toit, repeint les murs extérieurs en bleu, installé la plomberie et apporté l’électricité. Début septembre, la maison était propre, confortable et équipée du dernier cri en matière d’électroménager.
Mary rayonne de bonheur et lui, va pouvoir enfin étrenner son matériel de pêche tout neuf. Il a conçu un potager et les tomates qui poussent sont d’un rouge éclatant.
Tommy Hanlon passe souvent les voir, à vélo ou sur sa petite moto-cross. A chaque visite, Mary lui offre une limonade et prend des nouvelles de Julie et Josh, ses parents qu’elle lui demande de bien vouloir saluer de sa part.
Tim a acheté un fusil Remington. Il l’a acheté, bien que n’aimant pas les armes à feu. Il l’a acheté après avoir rencontré un grizzly sur son lieu de pêche, à deux kilomètres de sa maison. Il pêchait tranquillement au bord de la rivière et avait déjà un beau saumon dans son panier quand il a entendu un grognement plus loin, dans son dos. Il s’est retourné et s’est retrouvé face à un énorme grizzly qui l’observait. La bête a humé l’air, s’est dressée sur ses pattes arrières avant de pousser un cri et de retomber lourdement sur ses quatre pattes et de foncer sur lui. Tim a couru dans la rivière et quand l’eau a été profonde, le courant l’a emporté. Il a eu le temps de voir l’ours plonger la tête dans le panier et repartir tranquillement avec le saumon. Il a repris pied sur sa rive trois cent mètres plus loin et il est rentré complètement trempé à la maison et quand il a raconté sa mésaventure à Mary, elle n’a pu contenir un fou-rire. Le lendemain matin, il partait pour Bangor, acheter un fusil.
Les événements ont commencé à se produire début octobre, alors que la nature changeait de couleur pour passer du vert intense, clair ou foncé au rouge et orange vif. Des petits riens au début; des portes qui grincent ou qui claquent toutes seules. Des placards ouverts, des meubles déplacés ou qui sont traînés sur le plancher à l’étage. Et puis, des ombres sont apparues furtivement. Mary ne les voit pas vraiment; jamais de face, toujours du coin de l’œil pour disparaître aussitôt qu’elle tourne la tête. Sans oublier ce son de tambour qui bat lentement, tristement pendant quelques secondes et puis s’arrête, comme venu de nulle part et de partout à la fois. Et ces réveils en pleine nuit quand elle entend quelqu’un chuchoter à son oreille dans une langue qu’elle ne connait pas. Les cris aussi parfois qui la font sursauter sur sa chaise ou dans sont lit. Tim ne voit rien et n’entend rien. Il explique les phénomènes de meubles déplacés ou ouverts par des oublis, rien de grave.
Et puis un jour, après une promenade, ils ont retrouvé un couteau de cuisine planté sur la table en bois. Mary a poussé un cri et Tim, cette fois, a convenu que ce n’était pas normal. » Les Hanlon ? Tommy ou Josh ?
_ Non. Je ne crois pas que ce soit leur genre. Et Tommy est trop gentil pour faire ça. Et puis, ils n’ont pas la clé de la nouvelle serrure.
_ Tu ne vas pas me dire que tu te mets à croire aux esprits ?
_ Non… Bien sûr que non… Mais depuis quelques temps, il se passe des choses étranges dans la maison.
Le soir même, Dans le lit, Tim rassure Mary avec des mots apaisants et en lui caressant tendrement l’épaule. Une caresse en entraînant une autre, ils se déshabillent entièrement et commencent à faire l’amour. Tim est au-dessus de Mary et elle a posé ses bras autour de ses épaules. Elle a fermé les yeux et elle balance son bassin en suivant les mouvements de Tim. A un moment, elle ouvre les yeux et ce qu’elle a aperçoit dans l’encadrement de la porte qui aurait dû être fermée la glace d’effroi ! Un indien torse nu aux cheveux longs se tient debout et affiche un sourire carnassier tout en joignant à hauteur de son visage le pouce et l’index de sa main gauche pour former un rond et son index droit entre et sort de ce rond.
Mary pousse un terrible hurlement et recule dans le lit pour se retrouver assise le dos au mur. Elle remonte le drap sur elle. En reculant si prestement, elle a expulsé Tim qui se retrouve dans une curieuse position…
_ Mary ! Qu’est-ce qui t’arrive ?
_ Là ! A la porte ! Il y avait un indien qui nous observait ! Il faisait un geste obscène !
_ Un indien ? Tu es sûre ?
_ Je l’ai vu comme je te vois ! Il était là ! Oh mon Dieu ! Il doit toujours être dans la maison… Il avait l’air dément !
En bas, un vacarme épouvantable retentit et la porte d’entrée claque violemment. Mary et Tim restent un moment à attendre, comme médusés. Tim s’empare de son Remington et descend lentement les marches, avec précaution. Mary le suit collée à lui, dans son dos : « Fais attention Tim… C’est dangereux… » Arrivés en bas, alors qu’ils s’attendent à trouver tout sans dessus-dessous, ils ne constatent rien de particulier. Aucun meuble n’est renversé, rien n’est cassé et la porte est fermée, verrouillée.
Une nuit blanche s’ensuit…
Au matin, Tim et Mary se lèvent fourbus et inquiets. Ils descendent en silence. Mary fait un café corsé et cuit des œufs au plat pendant que Tim inspecte encore une fois le salon.
Il revient s’asseoir à la table de la cuisine. « Mary, ma chérie. Tu as bien vu un indien hier soir; n’est-ce pas ?
_ Oui… Je l’ai vu.
_ Après ce que nous a raconté Josh, se pourrait-il que ton esprit te fasse voir ce genre de chose ? Une sorte d’hallucination provoquée par ce que tu as entendu ?
_ Non. Je l’ai vu. Il était là et il faisait ça… » Mary répète le geste que faisait l’indien à son intention. » Et le vacarme en bas, tu l’as entendu toi aussi, non ?
_ Je ne sais plus très bien ce qu’il s’est passé hier ni ce que j’ai entendu… Tu te rends compte que s’il y avait bien un indien hier soir dans notre chambre, cela veut dire que Josh avait raison et qu’il nous avait prévenus.
_ Je sais. Oui…
_ Alors, on a acheté une maison hantée par les esprits des Wabanaki ? C’est ça ? On croit aux esprits maintenant ? »
Mary jette la poêle sur la fonte du fourneau et se retourne, rouge de colère : »Bon sang Tim ! Je ne crois pas aux esprits ! Je n’y ai jamais cru ! Mais ce que j’ai vu hier soir était bien là ! C’était réel ! Il y avait un indien et il était menaçant ! Je… Je… Je ne sais plus quoi croire… Oh Tim Je deviens folle ? C’est ça ? »
Tim se lève et prend Mary dans ses bras. Il lui dépose un baiser sur le front. « Non ma chérie. Bien sûr que non… Il peut y avoir d’autres explications… Le stress, des spores dans l’air… Mais tu n’es pas folle. J’en suis sûr. D’ailleurs, j’ai entendu le bruit moi aussi; alors, si tu es folle, je suis maboul moi-aussi. On est deux foldingues perdus au fond des bois.
_ Oui…Deux foldingues à Old City. Super, youpi… C’est les Hanlon qui vont être ravis d’avoir de tels voisins! Oh Tim ! Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer… Qu’allons-nous faire ?
_ On va faire face. S’il y a des esprits, on peut peut-être communiquer avec eux ? Il doit bien y avoir des médiums à Bangor. Je vais me renseigner. Mais je crois que je vais d’abord rendre une petite visite à l’agent immobilier; je voudrais tirer quelque chose au clair. Tu m’accompagnes ?
_ Non. Après la nuit que je viens de passer, j’ai besoin de me reposer.
_ Tu crois que c’est prudent de rester seule ici ? Et s’il se passe quelque chose à nouveau ? Je préfère que tu viennes.
Le pickup se gare en bas de l’immeuble de l’agence et les Anderson montent rencontrer leur agent, Paul Roth.
_ Monsieur et Madame Anderson ! Je suis ravi de vous rencontrer ! Content de votre acquisition ? Une affaire ! Mais asseyez-vous, je vous en prie…
Tim remarque qu’une nouvelle décoration a pris place sur le mur du bureau, à côté du diplôme. Une grande photo dans un cadre luxueux. On y voit Paul Roth en smoking et nœud papillon à côté d’un vieil homme bedonnant et aux cheveux argentés. Tous deux sourient à pleines dents, ils semblent hilares et l’agent tient un énorme chèque de deux mille dollars délivré par l’agence. Sur le bord inférieur du cadre est vissée une plaque en laiton gravée; on y lit : « Paul Roth – Meilleur vendeur de la décennie ».
_ Dites donc, Paul, notre transaction vous a plutôt réussi !
_ Euh… Oui… Depuis le temps que cette propriété était à vendre… L’opération a pris la tournure d’un exploit.
_ Félicitations… Mais je ne suis pas venu vous voir pour ça. Que savez-vous à propos de la maison ?
_ Eh bien… Qu’elle était inoccupée depuis soixante ans et qu’elle était en vente depuis quinze ans.
_ OK. Et concernant les anciens propriétaires ?
_ Les anciens propriétaires ???
_ Oui. Comment et où sont-ils morts ? On ne vous l’a pas demandé et vous ne nous en avez pas parlé. Je vous écoute.
_ Euh… Je n’en suis pas sûr… Des bruits courent comme quoi ils seraient morts dans la maison. Mais je n’en ai aucune preuve !
_ Et comment sont-ils morts ?
_ Eh bien… On raconte qu’ils auraient été assassinés. »
Mary bondit hors de son siège : » Et ça ne vous serait pas venu à l’idée de nous en parler ? Ça n’était pas important ? Ça l’était moins que le chèque de deux mille dollars ? C’est ça ? » Elle pointe son index en direction de la photo sur le mur.
_ Madame Anderson, calmez-vous, je vous en prie ! Ce ne sont que des racontars. Rien ne vient étayer ces ragots.
_ Oh ! Des racontars, des ragots ? Et si on allait chez le Sheriff pour vérifier si ce sont des racontars, hein? Vous en pensez quoi ?
_ Que voulez-vous ? Annuler la vente ? Impossible ! Le délai de rétractation est dépassé et je n’ai aucune preuve, aucune information concernant la malédiction qui frappe cette maison ! Personne n’en a !
_ Malédiction ? Vous avez bien dit « malédiction » ?
_ Euh… Les mots ont dépassé ma pensée… J’ai dit ça comme ça… »
Tim s’enfonce dans son fauteuil et croise les jambes : Paul, dites-nous ce que vous savez au sujet de cette malédiction. Je suis persuadé que vous en savez plus sur cette maison que ce que vous voulez bien nous en dire. Je me demande comment réagirait votre patron si on déclenchait un scandale en rameutant la presse et en évoquant vos trous de mémoire, vos omissions. Cela ferait un tel boucan qu’on obtiendrait sûrement l’annulation de la vente et probablement des dommages et des intérêts.
_ Impossible !
_ Vous êtes prêt à prendre ce risque Paul ? A rembourser vos deux mille dollars et à rendre votre plaque en laiton ? Et votre job, forcément… »
Paul Roth réfléchit un instant et croise les doigts sous son menton : » Okay, okay ! Je vous raconte… Mais ce ne sont que des histoires qui se transmettent de bouche à oreille ! A l’origine, à cet endroit, il y avait un cimetière Wabanaki. Plusieurs maisons ont été construites là à cause de la beauté du site et la proximité de la rivière Pogy Brook. Elles ont toutes été détruites et les habitants ont tous été massacrés à l’époque d’Halloween. Le terrain est resté inoccupé pendant une centaine d’années jusqu’à ce que les Randall se débrouillent pour l’acheter et y construisent à nouveau une maison; votre maison. Ils ont tenu deux ans, il paraît qu’ils devenaient fous tellement il se passait des choses étranges dans leur demeure. Et la deuxième année, le premier novembre, les Hanlon sont allés leur rendre visite; ils ont dû enfoncer la porte et en entrant, ils ont découvert leurs corps déchiquetés. Il n’y avait aucune arme sur place et la porte était fermée de l’intérieur; comme tous les volets. L’affaire a été étouffée à cause de l’histoire du lieu. A l’époque, ça n’était dans l’intérêt de personne de faire état d’un tel crime sur la place publique. Aujourd’hui, je me demande si ça n’attirerait pas les touristes… Comme les châteaux hantés en Ecosse; vous voyez ? Mais oui ! Réfléchissez ! Avec un musée Algonquin à proximité, une boutique d’art amérindien et des balades en canoë sur la rivière. Il y aurait un coup à faire… bien sûr, il faudrait raser la maison et en construire une autre un peu plus loin sur le terrain… Avec une révélation dans la presse, des témoignages et une bonne publicité dans les médias, ça tournerait à guichet fermé. »
Mary et Tim se regardent, interloqués : « Vous êtes sérieux ?
_ Absolument ! Curieux que personne n’y ait pensé et puis, avec le Bowlin Camps Lodge à proximité… ça tiendrait la route, ce serait une aubaine pour le comté. Vous devriez y penser et demander une étude de marché.
Sur la route du retour, dans le pickup, Mary et Tim restent silencieux. Ils savent qu’ils se sont fait avoir. Il y a bien quelque chose sous cette maison et Josh les avait prévenus. Quant à cette idée de tirer profit de tout ça pour attirer les touristes… ça allait carrément à l’encontre de ce qu’ils étaient venus chercher dans le Maine : la tranquillité.
En arrivant à hauteur de leur maison, ils aperçoivent Tommy, assis sur sa petite moto. Son casque est posé au sol.
_ Bonjour Tommy !
_ Bonjour M’sieur Tim ! Madame Mary. C’est mon père qui m’envoie. Vous êtes invités ce soir à dîner à la maison pour fêter Halloween. Rendez-vous à dix-huit heures. Il a dit aussi que vous devez prendre des affaires parce qu’on va veiller tard et que vous dormirez chez nous. Vous êtes OK ?
Mary sourit à Tommy et lui répond: C’est OK pour nous. C’est gentil de la part de tes parents Je vais préparer un gros gâteau. Tu aimes les gâteaux au chocolat ?
_ Oh oui ! Madame Mary ! Super !
_ Et tant que j’y suis, appelle-nous Tim et Mary, comme tout le monde. OK?
_ D’acc. Mad… Mary. A ce soir alors ! »
Et Tommy repose son casque sur sa tête et repart sur son engin qui pétarade sur le chemin.
Mary réfléchit : « C’est déjà Halloween ?
_ Faut croire ! Attends, je consulte mon agenda sur mon… On est bien le trente et un octobre. Vive les citrouilles !
_ En parlant de citrouilles, tu as quelque chose de mûr dans ton potager ?
_ Oui M’dame ! Des tomates grosses comme le poing et prêtes à éclater !
_ Allons les cueillir. Avant de partir chez les Hanlon, en même temps que le gâteau, je vais préparer une ratatouille que je vais congeler. Commence à cueillir, je vais chercher le panier à l’intérieur. »
Tandis que Tim se dirige vers son potager les mains dans les poches, Mary ouvre la porte et récupère le panier. Alors qu’elle s’apprête à ressortir, Tim l’appelle : » Mary ! Mary ! Viens voir ça ! Merde alors ! »
Mary rejoint Tim en courant et comprend pourquoi Tim est sorti de son calme habituel. Tous les légumes sont devenus gris et une mousse noire commence à les recouvrir. La plupart des tomates sont éventrées et un jus sombre s’en écoule. Mary s’agenouille à côte de son mari et passe son bras autour de son cou : » Pas de ratatouille ce soir…
_ Non. Pas de ratatouille. Merde alors ! C’est quoi ça ?
_ Devine… Qu’est-ce qui se passe ici le soir d’Halloween depuis toujours ?
_ Les légumes pourrissent ?
_ Oui. C’est ça. Les légumes pourrissent. Rentrons. Je vais faire le gâteau.
Pendant que Mary s’affaire avec la pâte du gâteau, Tim sort une bouteille de scotch du placard et remplit deux verres au tiers. Il prélève quatre glaçons dans le freezer et les fait tomber dans le liquide ambré. Il fait tourner les glaçons dans les verres et pose un whisky près de sa femme. » Joyeux Halloween ma chérie » et il cogne délicatement son verre contre celui de Mary. « Sympa de la part des Hanlon de nous inviter ce soir. Tu en penses quoi?
_ Oui. C’est sympa. Mais je n’ai pas envie de dormir chez eux. Ça me gêne. Tu comprends ?
_ Evidemment que je comprends. On fait la fête avec eux et quand ça se termine, on rentre. Pas de problème. J’emporterai la lampe torche, histoire de ne pas nous étaler sur le chemin dans la nuit… J’apporterai aussi une bouteille de scotch pour les convenances…
_ Bien vu ! Et à la tienne, Timothy Anderson !
_ A la nôtre, Mary Anderson ! As-tu vu ou entendu quoi que ce soit d’étrange depuis que nous sommes rentrés ?
_ A part tes tomates pourries, tu veux dire ? Non. Rien à signaler.
_ Ok. C’est plutôt bon signe, non ?
_ Sais pas… allez, un passage au four et dans une heure, ce sera prêt… Tu peux récurer le saladier avec ton doigt pour manger le chocolat qui reste.
_ Tu lis dans mes pensées maintenant ?
_ Ca tient plus de Pavlov que de Uri Geller…
_ Oh ! C’est un coup bas, ça… Mais c’est la vérité… Miam ! C’est bon!
Quand les Anderson entrent chez Lucie et Josh, ces derniers paraissent soulagés et les accueillent à bras ouverts. Tim tend sa bouteille de scotch à Josh et Mary dépose son plat ovale en pyrex recouvert d’un torchon blanc immaculé dans les mains de Lucie; il est encore chaud et sent très bon. Tommy arrive en trombe, alerté par les effluves chocolatés que l’air fais de l’entrée transporte à l’intérieur de la maison.
Pour l’occasion, Lucie a préparé des amuse-gueule confectionnés à partir de morceaux de jambon enroulés autour de petits épis de maïs tendres passés au four. Tout le monde s’installe autour de la table basse du salon. Mary et Tim dans le canapé, Lucie et Josh dans leur fauteuil respectif. Tommy, lui, s’assied sur un pouf en cuir beige entre ses parents.
Josh porte toujours un bandage à la main blessée. En montrant le bandage, Tim s’enquiert de son état : » Toujours aussi douloureux Josh ?
_ Non. Ça va mieux, beaucoup mieux. Mais je préfère porter le bandage le soir et la nuit. Ça m’évite de souffrir quand je me retourne dans mon lit… »
Lucie hoche la tête avec un semblant d’air réprobateur : » S’il avait gardé le bandage dans la journée, ce serait déjà guéri. Mais Josh est têtu comme une mule…
_ Mais non ! C’est tout simplement que je ne peux rien faire avec ce bandage à la main. Et j’ai pas mal de choses à faire en ce moment. Pas vrai Tommy ?
_ C’est vrai P’pa !
_ Alors… Têtu comme une mule… Je voudrais bien t’y voir ma chérie. Bon, assez parlé de moi. Comment ça se passe en bas ? C’est calme ? Rien de bizarre ? »
Mary et Tim se regardent un instant et Tim décide de répondre : » Rien d’anormal Josh. A part mes tomates qui ont pourri sur pied.
_ Oh ! Tant mieux ! Enfin… Je veux dire tant mieux que tout se passe bien et c’est bien triste pour tes tomates… Mais dites-moi, vous n’avez pas apporté d’affaires ? Tommy vous a bien dit que vous devriez dormir ici cette nuit ? N’est-ce pas ?
_ Oui. Répond Mary. Tommy nous en a informés. Mais » en s’adressant à Lucie : » Cela nous gênait et nous ne voulions pas vous embarrasser. Nous rentrerons dormir chez nous. C’est à deux pas. »
La mine réjouie de Lucie cède la place à la contrariété, à de l’inquiétude. Ce qui n’échappe pas à Mary : » Mais ça ne nous embarrasse pas du tout… Et c’est le soir… »
Josh se penche en avant et joint ses mains ; » Mary, Tim. Nous, on vous aime bien. Et on sait très bien ce qu’il y a sous votre maison et comment ça se passe le soir d’Halloween. Les Randall sont morts un soir d’Halloween; comme tous leurs prédécesseurs. C’est comme ça que ça se termine en bas. A chaque fois. Et je sais très bien aussi que vous avez déjà remarqué des choses anormales. Peut-être les avez-vous déjà vus… Les indiens. Le premier d’entre eux au moins. Les cris, le tambour. »
Tim et Mary regardent leurs chaussures. Et Mary laisse échapper dans un souffle à peine audible : »Oui…
_ Ne rentrez pas ce soir. Attendez demain matin et vous serez tranquille pendant un an. Je peux même affirmer que ça fait deux semaines que ça a commencé. Ils vous observent avant de passer à l’attaque. Et ils attaquent toujours durant la nuit d’Halloween. Je ne sais pas pourquoi, mais ça s’est toujours déroulé de cette façon. »
Gêné par la tournure que prend la conversation, Tim sourit tristement à Josh et déclare : » On boirait bien un coup, n’est-ce pas ? »
_ Bigre ! Evidemment ! Scotch ? Ou un coup de gnôle-maison ?
_ Je veux bien goûter la gnôle !
_ Aah ! Voilà un gars sympa ! Et mary ? Quelque chose de plus doux ? Un vin cuit peut-être ? Ou un pétillant ?
_ Un scotch m’ira très bien, Josh. Je goûterai la gnôle dans le verre de Tim.
_ Bon sang ! Vous êtes une chic fille Mary ! Deux gnôles, deux scotchs et un grand coca ! Ça roule ! Je reviens avec tout ça. »
Tandis que Josh se lève et part fouiller dans un meuble, Lucie pouffe de rire en cachant sa bouche dans ses mains.
La soirée se déroule admirablement bien. De temps en temps, Tim consulte son portable puis le range dans sa poche. Les tournées de gnôle et de scotch se succèdent et au bout d’un moment, tout le monde passe à table, passablement grisé, sauf Tommy, évidemment. Josh ne semble plus souffrir de sa main droite et il enlève son bandage qui le gêne au moment de déboucher une bouteille de vin français qu’il garde depuis quelques années en attendant un événement digne d’un tel nectar. Josh plaisante en racontant que les français ont l’habitude de déboucher leurs bonnes bouteilles bien avant de le goûter et le versent au préalable dans une carafe, mais il n’avait pas pensé à cette fameuse bouteille jusqu’à maintenant et là, il n’a plus le temps d’attendre… Veuillez me pardonner cet outrage, messieurs les français ! Et il sert le vin dans des verres à pied en cristal; ce qui est assez exceptionnel et raffiné au beau milieu de la forêt.
Le temps passe et, au bout de quelques heures, la fatigue prend le pas sur la gaîté. Après le gâteau au chocolat qui a remporté un grand succès, tout le monde reprend place autour de la table basse. Il est une heure du matin et Mary commence à jeter des œillades à Tim qui comprend parfaitement le message. « Lucie, Josh et Tommy, nous vous remercions pour cette merveilleuse soirée; vraiment, vous nous avez gâtés. Je crois qu’il est l’heure pour nous de rentrer et de vous laisser aller vous coucher. La prochaine fois, nous dinerons tous chez nous. Nous y tenons. »
_ Tim, Mary, ne faites pas ça. Si vous rentrez maintenant, il n’y aura pas de prochaine fois. Que faut-il vous dire pour que vous compreniez ? Vous les avez entendus et vous les avez vus. C’est juste une nuit. Pour l’amour du ciel ! N’y allez pas ! Demain, tout sera fini… Dormez ici, je vous en prie. »
Lucie prend la main de Mary et des larmes coulent le long de ses joues.
Le premier novembre, le sheriff de Bangor a reçu un terrible appel téléphonique. Deux corps retrouvés déchiquetés dans une maison à Old City, près de la rivière, non loin de chez les Hanlon.
Le sheriff et un de ses adjoints se sont immédiatement transportés sur place. Les corps sont ceux de Mary et Tim Anderson qui ont emménagé dans l’été après avoir racheté la propriété.
C’est Josh Hanlon qui a découvert les corps, après avoir longuement frappé à la porte et appelé les Anderson. Il a enfoncé la porte et découvert les cadavres dans la pièce principale. Il a immédiatement appelé le sheriff et il les attend sur place.
Le sheriff sort du véhicule de police et s’approche de Josh qui les attend, assis sur la barrière.
_ Josh ? Quand avez-vous vu les Anderson pour la dernière fois ?
_ Cette nuit, sheriff. On a passé la soirée ensemble. On a fêté Halloween à la maison. Ils nous ont quittés un peu après une heure du matin. On les a suppliés de rester dormir à la maison; mais ils n’ont pas voulu. Ils sont retournés chez eux, malgré les avertissements…
_ Les avertissements ?
_ Oui. La maison est maudite. Vous n’êtes pas au courant ? Il y a un cimetière indien dessous; et à chaque fois que des gens s’installent ici, ils finissent comme ça. En morceaux. Comme les Randall il y a soixante ante ans, et comme leurs tous leurs prédécesseurs depuis que les colons ont débarqué ici et qu’ils ont profané le cimetière des Wabanaki. »
L’adjoint chausse des sur bottes en plastique bleu avant d’entrer dans la maison. Au bout de quelques secondes, il ressort précipitamment et vomit son petit déjeuner: » Merde… C’est l’enfer là-dedans sheriff ! Je n’ai jamais vu pareille horreur.
_ Josh, A part toi, qui d’autre est entré dans la maison ?
_ Mais je n’y suis pas entré ! Pour rien au monde je n’entrerais là-dedans ! Je n’y ai jamais mis les pieds. J’ai enfoncé la porte à coups de pied et ça m’a suffi pour voir ce qui reste des pauvres Anderson. Je jure devant Dieu que je n’ai jamais franchi ce seuil, ni ma femme, ni mon fils. Tout le monde par ici sait que cette maison est maudite. Il n’y a que les étrangers qui s’y intéressent. A chaque fois c’est la même chose; ils trouvent le coin joli et veulent s’y installer. On les prévient de ce qui s’est déjà déroulé ici mais ils ne veulent pas écouter et voilà le résultat : une horreur sans nom !
_ Mouais… Restez là. Je vais me rendre compte par moi-même… »
Quand le sheriff entre à son tour dans la maison, après avoir lui aussi chaussé ses sur bottes, il n’y voit pas grand chose, le temps que ses pupilles s’accommodent. Et quand il discerne les détails, il ne peut réprimer un haut le corps. Les cadavres des Anderson sont dénudés et les vêtements lacérés sont éparpillés partout dans la pièce. Le sol est maculé de sang coagulé. Les corps sont tailladés, éviscérés, démembrés et décapités. Ils sont posés comme des mannequins tronqués, chacun sur une chaise, l’un en face de l’autre. Les intestins, tels des guirlandes sont disposés tout autour de la table. On trouvera plus tard leurs têtes dans le congélateur, côte à côte et les jambes et les bras de Tim enterrés au pied des plants de tomates et ceux de Mary dans leur lit, à l’étage.
Le sheriff a appelé une équipe en renfort à Bangor, ainsi qu’un médecin légiste. Une heure plus tard, c’est une véritable fourmilière qui tourne autour de la maison. Deux tentes ont été dressées sur le terrain. Les policiers ont revêtu des tenues blanches en papier. Certains prennent des photos, d’autres collectent des indices dans toutes les pièces. Des petits rectangles jaunes sont disséminés un peu partout. Ils portent des numéros.
_ Dites sheriff,
_ Oui Josh ?
_ C’est quoi tout ce barnum ?
_ La police scientifique.
_ Oh ! Comme à la télé !
_ Pas vraiment. Là, c’est sérieux.
_ Je vous crois… Je peux peut-être y aller maintenant ? Je vous ai dit tout ce que je sais. J’habite un peu plus haut et si vos gars veulent du café ou manger un morceau, ils seront les bienvenus…
_ Non.
_ Non quoi ?
_ Non. Vous restez ici.
_ Pourquoi ?
_ Pourquoi ? Parce que votre histoire de cimetière indien me laisse à penser que vous nous prenez pour des imbéciles.
_ Mais c’est la stricte vérité !
_ Vous et votre famille, vous êtes les seuls à habiter ici et vous êtes les dernières personnes à avoir vu les victimes.
_ Ne me dites pas que…
_ Si. Vous êtes le suspect. Et vous resterez ici tant que je ne vous dirai pas que vous pourrez rentrer chez vous. Donnez-moi votre portable… Merci. Allez vous asseoir à l’arrière de ma voiture. Stephen ! Accompagne Josh dans la voiture et assure-toi qu’il y reste.
_ Vous commettez une grave erreur sheriff ! Il y a toujours eu des Hanlon ici ! Et depuis l’arrivée des colons !
_ Justement ! Ça me conforte dans ma vision des choses. »
La tête basse, Josh se laisse conduire jusqu’au véhicule du sheriff et se laisse enfermer à l’arrière sans faire d’histoire.
_ Sheriff ! Sheriff ! Venez voir ! C’est incroyable !
Mary et Tim avaient du mal à croire à cette histoire de fantômes indiens; et pourtant, elle en avait vu un et il se passait des choses étranges dans la maison. Il y avait les cris, le tambour et les portes qui claquent et qui grincent.
Tim avait eu une idée alors qu’ils sortaient de l’agence immobilière. Paul Roth avait parlé des médias pour faire de la publicité. Et ces quelques mots lui avaient donné l’idée d’acheter des caméras miniatures à déclenchement automatique au le moindre mouvement dans maison.
Il en avait installé une dans un des coins de la chambre à coucher, au-dessus de l’armoire et une autre dans la pièce principale, au-dessus de la porte d’entrée. Ce genre de caméra enregistre les images à faible luminosité, ainsi que les sons. Elles sont munies d’une micro carte mémoire SD et en cas de mouvement détecté quand la caméra est en mode de surveillance, elle envoie la vidéo sur un téléphone mobile ou sur un PC; ce qui est très pratique pour prouver une effraction ou un vol pour la police ou pour les assurances.
En trouvant le téléphone portable de Tim dans la poche de son jean, le policier a voulu le consulter, mais il fallait entrer un code numérique ou utiliser une empreinte de doigt pour le déverrouiller. Comme les bras de Tim venaient d’être retrouvés au pied des plants de tomates, le policier a appuyé sur le petit cercle en dépression, un à un, les doigts du défunt et le téléphone a fini par s’allumer. Il y avait sur l’écran d’accueil une dizaine d’alertes envoyées par les caméras.
Le sheriff a consulté les vidéos enregistrées et ce qu’il avait pressenti lui a été confirmé.
Dans leur cellule à Bangor, Josh, Lucie et Tommy ne disent pas un mot. Le sheriff les a enfermés après avoir consulté des vidéos. Quelles vidéos ? Josh ne comprend pas très bien de quoi lui a parlé le sheriff. Tommy a semblé comprendre et depuis, il ne dit plus rien; il garde la tête baissée. Les derniers mots qu’il a lâchés c’est : « C’est mort P’pa. On est foutus ».
C’est l’heure de l’audition. Josh est menotté et un policier l’amène dans la petite pièce prévue à cet effet. On l’assoit devant une table métallique et on fixe ses menottes à la table.
Il y a un grand miroir au milieu du mur en face de lui. Il sait que c’est un miroir sans tain et que des gens sont probablement en train de l’observer. Il y a aussi une saloperie de caméra à hauteur du plafond dans un angle et une petite lumière rouge vient de s’allumer sur son côté.
Le sheriff entre et s’assoit en face de lui. Il a apporté un ordinateur portable.
_ C’est pour quoi ça sheriff ? Vous allez faire un Tétris ? Ou regarder un film de cul ? C’est l’heure de la récré ? Pourquoi vous nous avez arrêtés ? Je vous ai dit la vérité !
_ Non josh… La vérité je la connais. Elle est là. Dans cet ordinateur… Regarde… »
Sur l’écran du PC portable, une fenêtre apparaît. En bas de l’image défilent les minutes et les secondes. Au début, l’image est plutôt sombre et puis, elle s’éclaircit quand la lumière dans la pièce s’allume. Et là, Josh se voit entrer avec le corps de mary sur son épaule. Il se voit la jeter au sol. Elle a les mains et les pieds entravés. Elle remue et on l’entend supplier. Il s’entend la traiter de salope et Lucie entre à son tour et décoche un grand coup de pied dans la tête de Mary. On le voit ensuite sortir de la maison et revenir une minute plus tard avec le corps de Tim cette fois. Il le jette au sol d’un coup d’épaule. Tim ne bouge pas. On ne l’entend pas. Est-il déjà mort ? Tommy apparaît dans le champ de la caméra; il porte un grand sac en cuir fermé sur le dessus. Il a enfilé des gants en caoutchouc. Il ouvre le sac et en sort des instruments métalliques : des griffes, des couteaux de boucher, une scie plate, des scalpels et des marteaux. Il dépose le tout sur la table.
_ Tu vois Josh ? Elle est là la vérité. Il y a en tout, douze vidéos dans lesquelles on vous voit commettre le plus abject des crimes que je n’aie jamais vu. Tu as laissé et encouragé ton fils à violer Mary Anderson avec une sauvagerie et une perversité qui donne envie de vomir et ensuite, tu l’as violée à ton tour et Lucie applaudissait. Après ça, elle s’est occupée de Tim Anderson… Et vous les avez découpés, dépecés alors qu’ils étaient encore vivants ! Sur un des enregistrements, on les entend encore hurler de douleur et vous supplier au moment où vous sortez leurs intestins de leur ventre. Mon Dieu ! Je ne pensais pas que de tels monstres pouvaient exister. Alors tu vois Josh, la vérité je la connais. Je l’ai vue. Je vous ai vus tous les trois torturer ces pauvres gens, les humilier, les découper et jouer avec leurs restes.
Josh, plus la peine de nier. Je sais ce que vous avez fait. Je vous ai vus le faire… Ce que je voudrais savoir, Josh, c’est pourquoi vous leur avez fait ça. Tu comprends ? Pourquoi les avoir tués et de cette façon-là ?
_ Vous pouvez pas comprendre…
_ Explique. On verra si je comprends ou pas.
_ C’est… C’est une affaire qui remonte à loin…
_ OK. Continue. Une affaire qui remonte à loin…
_ Oui. Quand les premiers colons sont arrivés ici, il y avait parmi eux une famille Hanlon qui venait d’Angleterre. Et c’est les Hanlon qui ont trouvé l’endroit près de la rivière !
_ OK. Les Hanlon ont trouvé cet endroit.
_ Ouais… Il y avait réellement un cimetière indien et ils ont viré tous les ossements et leurs saletés d’objets en terre cuite et ils ont construit la première maison sur le site, près de la rivière. C’était pratique pour transporter les peaux et les fourrures dans les canoës. Vous comprenez ?
_ Oui. Je comprends. La rivière et le commerce des fourrures.
_ Tout se passait bien jusqu’au jour où la mère et les enfants sont partis cueillir des baies dans la forêt. Un groupe d’indiens est arrivé et quand ils ont vu la maison construite sur leur cimetière, ils sont entrés dans la maison et ils ont écorché vif Hanlon qui était resté là à s’occuper de ses fourrures. Les indiens l’ont découpé et ont éparpillé les morceaux du vieil Hanlon dans tous les coins de la maison et dehors aussi. Sa femme et ses deux garçons n’ont eu la vie sauve que parce qu’ils étaient partis cueillir des baies plus loin. Quand ils sont rentrés, ils ont trouvé Hanlon en petits morceaux. La mère Hanlon a ramassé ce qu’elle a pu trouver de son mari et a enterré le tout. Elle a repris le commerce des peaux avec ses garçons jusqu’à ce qu’un salopard de hollandais débarque avec ses hommes et remarque la maison Hanlon. Il a tout de suite compris l’intérêt d’un tel emplacement et il a chassé les Hanlon de là et pris leur place. Le fumier !
_ Oui… A l’époque, c’était la loi du plus fort…
_ Sûr ! Du coup la veuve Hanlon et ses deux fils ont construit un peu plus haut une cabane et ils ont eu l’intelligence de répandre la rumeur.
_ La rumeur ? Quelle rumeur ?
_ Que la maison construite sur le cimetière indien était maudite et que tous ses occupants seraient tués comme le vieil Hanlon le soir d’Halloween. A l’époque, ça ne s’appelait pas Halloween… Et la rumeur a circulé… Elle a circulé à tel point qu’au bout d’un moment, plus personne ne voulait travailler avec le hollandais, les gens avaient trop peur de la maison maudite.
_ Et ?
_ Et le trente et un octobre suivant, la veuve Hanlon et ses deux fils ont trucidé le hollandais et sa clique après leur avoir fait boire de la belladone qu’ils avaient mélangée dans leur vin. Ils ont fait comme les indiens. Ils les ont découpés et éparpillés dans et autour de la maison.
_ Alors, ils ont pu récupérer la maison ?
_ Non. Le hollandais s’était fait faire un titre de propriété. Les Hanlon n’en avaient pas à opposer. Alors, d’autres ont acheté la maison et l’année d’après, le trente et un octobre, les Hanlon les découpaient dans la nuit. C’est comme ça qu’est née la malédiction. Et la tradition.
_ La tradition ?
_ Oui. Ce terrain est à nous. Les anciens ont retranscrit notre histoire dans un livre. Le livre des Hanlon. Il est chez moi dans un coffre au grenier. On nous a volé notre propriété et on nous la vole encore ! Il y a soixante ans, les Randall se sont débrouillés pour obtenir un acte de vente légal… Magouille et compagnie ! Mon père leur a fait passer l’envie de pavaner à ceux-là ! Je croyais qu’on serait tranquilles, mais non ! Voilà les charmants Anderson qui débarquent à leur tour et qui achètent la propriété et c’est reparti ! Ce n’est pourtant pas faute de les avoir prévenus ! C’est qu’on les aimait bien Mary et Tim… On est même allés leur foutre la trouille chez eux, déguisés en indiens en pensant qu’ils allaient déguerpir et qu’on n’aurait pas besoin de les tuer. On les a même surpris en train de baiser ! J’ai joué du tambour, poussé des cris, baragouiné n’importe quoi pour que ça passe pour de l’indien. Tommy courait dans la maison en claquant les portes et en remuant les meubles. Il entrait d’un côté et ressortait rapidement de l’autre. On a bien vu qu’ils avaient changé la serrure. On a attendu qu’ils partent à Bangor pour entrer par une fenêtre et Tommy a trouvé un double de la nouvelle clé dans un des tiroirs. Je l’ai copiée et il a remis le double à sa place. J’ai même vaporisé de l’acide sur ses plants de tomates… Ils n’ont rien voulu savoir…Ils auraient dû partir après tout ça…
_ OK… Et pourquoi le viol ?
_ Ben… Tommy, il regarde pas mal de porno sur le Net et puis… Il n’a jamais vraiment pratiqué… Avec une femme… Il n’y a pas beaucoup de monde par chez nous… C’était l’occasion de perdre son pucelage. De toute façon, elle allait mourir alors…
_ Je vois… Encore une question Josh : Pourquoi les avoir découpés vivant ? Vous auriez pu les tuer et les découper ensuite; ils n’auraient pas souffert. Vous ne les auriez pas entendus hurler.
_ Je sais… Mais c’est comme ça qu’on fait chez les Hanlon. Depuis toujours. C’est la tradition. C’est écrit dans le livre des Hanlon. Les cris, ça stimule la sauvagerie et du coup, ça passe facilement pour du surnaturel.
_ Et… Il faut vraiment que je sache ça : Pourquoi ne pas avoir acheté la maison aux héritiers Randall ? Ça aurait été la fin de vos problèmes et vous n’auriez plus eu à tuer qui que ce soit.
_ Parce que la propriété est à nous ! Depuis toujours ! Pourquoi devrions-nous acheter ce qui nous appartient ? Réfléchissez…
_ Josh… Ce n’est pas la maison qui est maudite. C’est la famille Hanlon ! Vous n’avez pas compris que vous payez toujours pour la profanation du cimetière indien… Vous avez déjà réfléchi à ça ? Depuis le début de cette histoire, vous répétez le rituel des indiens et la maison ne vous a jamais appartenu. Vous avez toujours vécu à côté sans jamais l’habiter. Et vous allez finir vos jours en prison ou vous retrouver dans le couloir de la mort. La malédiction ou la tradition se termine avec vous, probablement la septième et dernière génération de Hanlon. La malédiction des indiens prend fin avec toi Josh et vous êtes tous les trois damnés pour l’éternité.
A Old City, les policiers retournent sur les lieux du crime et barricadent la maison des Anderson. L’adjoint du sheriff ferme le gros cadenas qui vient d’être posé et il s’arrête net : Vous avez entendu Sheriff ?
_ Quoi donc ?
_ J’entends quelqu’un jouer du tambour dans la maison ».
Le sheriff approche de la porte et tend l’oreille. « Merde ! Foutons le camp d’ici ! Et pas un mot de ça à qui que ce soit. C’est compris ? Je ne plaisante pas !