Repas dominical

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1971

REPAS DOMINICAL CHEZ LES BERURIER

 

« Oh ! Vous savez, moi, les pensées des autres ! » Berthe avait lâché ça entre l’andouillette et le fromage, en réponse au gros qui venait de lui donner son avis à propos d’une question très futile relative à un détail domestique, mais à une heure où le couple mythique accusait déjà quatre grammes dans chaque poche et où un rien pouvait déclencher l’apocalypse tant redoutée du voisinage et du service des urgences de l’hôpital. J’ai immédiatement senti l’orage arriver; du coup, je me suis discrètement écarté de la table.

 

Béru qui s’apprêtait à faire sa fête à un coulommiers hors norme, qui, s’il n’avait pas été enfermé dans sa cloche à fromage se serait carapaté depuis lulure, prit une belle teinte pourpre, s’arrêta tout net et fronça son front bovin. « Qu’est-ce que Mâame est en train de philosopher à mon encontre ? Hein ? Qu’est-ce elle bave la radasse ?

_ Elle te dit que tu commences à lui cailler la laitance avec ton avis sur tout et n’importe quoi ! Vu que j’m’en balance ! Je t’ai pas attendu pour tenir mon ménage comme y faut. Mais tu te gaffes de nib ! Môssieur  » j’en rame pas une » a un avis sur tout ! Le ramier qui la ramène. Eh bien, tu sais où tu peux te le carrer ton avis ? J’ai bien plus de culture que toi, eh, fleur de nave ! Pandore d’opérette ! »

La main du gros est partie à MACH II et le nase à Berthe s’est immédiatement mis à pisser le raisinet. Du coup, la baleine s’est mise à brailler comme un stentor et, folle de rage a illico tenté de se lever de table pour en découdre. Le gravosse, habitué à ces séances de close combat conjugal a réagi un temps plus tôt en cueillant sa houri au niveau de l’estomac , d’un puissant direct du droit.

Berthe, le souffle coupé, les yeux prêts à lui sortir de la tête, le pif comme un courgette, s’est rassise immédiatement en sifflant. Seulement, elle a légèrement dévié et a glissé de sa chaise; partant les quatre fers en l’air pour finir la hure dans le vaisselier, au milieu de sa collection de porcelaines gagnées à coups de points ESSO.

Le gros, passablement énervé s’est saisi de la boutanche de beaujolpif en maugréant : « La culture, la culture… T’y connais quoi à la culture, toi ? Tout ce que tu sais ligoter, c’est ton bouquin de cuisine ! T’as pas de culture ! Et tu t’es vue ? Eh bien voila ! La culture, c’est comme les parachutes; quand on en a pas, on s’écrase !  »